Gabon : la société civile s’érige en rempart de la Justice nationale
Par Joseph Moundruma
Par un geste inédit, les forces vives du pays rappellent que sans une Justice respectée, il n’y a ni État de droit, ni République digne de ce nom.
Il est des instants où un pays semble reprendre conscience de lui-même. Ce 7 novembre 2025 restera sans doute comme l’un de ces moments rares où la société civile gabonaise, trop souvent silencieuse ou divisée, a parlé d’une seule voix. Dans une motion solennelle adoptée à Libreville, les forces vives de la nation ont exprimé un soutien sans équivoque à la Justice nationale, qualifiée de “pilier de la République et garant de l’État de droit”.

Ce geste, inédit depuis l’indépendance, sonne comme un rappel à l’ordre moral dans un climat politique saturé de suspicion, de désinformation et d’attaques verbales visant les magistrats. Dans un pays où l’opinion publique a parfois pris l’habitude de juger les juges, la société civile vient dire stop. Elle revendique, avec une gravité nouvelle, le droit de défendre ceux qui, au quotidien, incarnent la loi.
Dans leur texte, les signataires (associations, syndicats, acteurs religieux et économiques) condamnent avec vigueur les “attaques, insultes et propos diffamatoires” visant les institutions judiciaires, notamment ceux attribués à Madame Sylvia Aimée Marie Valentin Bongo Ondimba et à Monsieur Noureddine Bongo Valentin. Une mise au point claire, à l’heure où la frontière entre justice et vengeance politique semble parfois se brouiller sur les réseaux sociaux.
“La Justice ne doit pas être un champ de bataille politique, mais le refuge de la vérité et de l’équité”, proclame la motion, dans une formule d’une justesse implacable. Et d’ajouter un appel à la retenue, adressé à tous : citoyens, médias et acteurs politiques. Comme pour dire qu’à force de vouloir instrumentaliser la Justice, on finit par scier la branche sur laquelle repose la République.
Jamais encore la société civile gabonaise n’avait pris fait et cause, publiquement, pour la Justice. Ce soutien prend des allures d’acte fondateur, presque d’un serment républicain. Car derrière cette initiative, c’est une idée simple mais décisive qui émerge : la Justice n’est pas l’affaire des seuls magistrats, mais celle de la nation tout entière.
Ceux qui ont signé la motion saluent “les magistrats et personnels de justice qui œuvrent avec courage et dévouement au service du peuple gabonais”. Une phrase d’apparence anodine, mais qui dit beaucoup : la reconnaissance du labeur d’hommes et de femmes souvent décriés, parfois menacés, et rarement félicités. Elle rappelle aussi l’urgence de doter la Justice des moyens et de l’indépendance nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
Cette motion n’est pas qu’un texte de circonstance. Les signataires annoncent leur intention d’ester en justice contre toute personne portant atteinte à la souveraineté de l’État ou incitant à la haine contre les institutions. En d’autres termes, la société civile s’érige désormais en gardienne de la légalité républicaine.
Au-delà du symbole, c’est peut-être là le signe d’une maturation démocratique : celle d’une société qui comprend enfin que la Justice n’est forte que si la nation la soutient. Et que la République ne vaut que par la dignité de ses institutions.
Dans un Gabon en quête d’équilibre, cette motion résonne comme une note de gravité et d’espérance mêlées. Une invitation à réapprendre la confiance, à redonner sens à l’État de droit. Bref, à replacer la Justice ( ni instrument, ni cible) au cœur du pacte républicain.



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