Chargement en cours

Gabon/Justice: À la barre, M. Park, proche de Sylvia Bongo Ondimba révèle qu’elle serait propriétaire occulte de deux puits de pétrole via Fort Africa

Par Stive Roméo Makanga 

L’audience d’hier au tribunal de première instance de Libreville a pris des allures de séisme politique et moral. Dans le grand théâtre de la justice gabonaise, où se joue depuis peu le procès historique de Sylvia Bongo Ondimba et de son fils Noureddin Bongo Valentin, un nouveau chapitre vient d’être ouvert : celui de la richesse pétrolière cachée derrière les rideaux de velours du palais présidentiel d’hier.

Appelé à la barre, M. Park, ex-agent et homme de confiance de l’ancienne Première dame, a lâché une bombe : selon lui, Sylvia Bongo Ondimba serait la propriétaire dissimulée de deux puits de pétrole, détenus à travers une société écran, Fort Africa. Cette entreprise, dont les ramifications s’étendraient jusqu’à des juridictions offshore, aurait servi de véhicule pour masquer la détention d’actifs pétroliers évalués à plusieurs milliards de francs CFA.

La révélation, faite dans un silence religieux, a glacé l’auditoire. Ce n’est pas tant la possession de ces actifs qui scandalise, mais le symbole qu’elle incarne : celui d’un pouvoir familial ayant réussi à privatiser, dans le plus grand secret, une partie du patrimoine pétrolier national. Une fortune souterraine, littéralement, dont les dividendes auraient alimenté des circuits parallèles, loin des caisses de l’État.

Ce nouveau témoignage vient s’ajouter à une liste déjà longue de griefs formulés par le parquet à l’encontre du duo mère-fils. Sylvia Bongo Ondimba est poursuivie pour blanchiment de capitaux, détournement de fonds publics, complicité d’enrichissement illicite et corruption active, tandis que son fils Noureddin Bongo Valentin répond de recel de fonds détournés, trafic d’influence et association de malfaiteurs. Ensemble, ils incarnent, aux yeux de la justice, le cœur d’un système de prédation patrimoniale et de captation du bien public à des fins privées.

Le procès, ouvert dans un climat de forte tension, n’est pas seulement judiciaire : il est politique, moral et symbolique. Pour la première fois dans l’histoire du Gabon, ceux qui régnaient sans partage sur les arcanes du pouvoir se voient sommés de rendre des comptes. Et le pays, suspendu à chaque mot prononcé à la barre, mesure à quel point la spoliation du bien commun a pu s’étendre jusque dans ses sous-sols.

Si les faits révélés par M. Park venaient à être confirmés, ils révéleraient l’ampleur de la confusion entre fortune privée et ressources publiques qui a marqué les années fastes du régime déchu. Car dans cette affaire, ce n’est pas seulement une femme ou un fils que la justice juge, mais tout un mode de gouvernement, celui où l’État s’effaçait devant la famille, et où les richesses nationales devenaient des patrimoines héréditaires.

Pour le Gabon, cette séquence judiciaire pourrait constituer le moment d’un basculement historique : celui d’un pays qui, après des décennies d’impunité et de silences complices, ose regarder son passé en face. Il s’agit désormais de savoir si cette vérité nouvelle ( celle des puits cachés de Fort Africa ) marquera la fin d’un règne ou l’avènement d’une République enfin réconciliée avec elle-même.

Un procès donc, mais aussi une catharsis nationale : où le pétrole, longtemps symbole de puissance, devient le révélateur d’une décadence morale.

Laisser un commentaire