Par Stive Roméo Makanga
A quelques jours seulement de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, prévue pour se tenir le 2 mai prochain, la récente sortie de Pascal Houangni Ambouroue vient à nouveau préciser le cas du Gabon sur cette question d’importance.
La mise en garde du ministre de la Communication, fraîchement promu à ce poste contre ‘’Gabon Matin’’, le quotidien national, est scandaleuse à bien des égards, en plus d’être explicite de l’offensive inopportune qu’a toujours eu le gouvernement sur la presse locale sur des sujets pourtant d’importance et dans lesquels sa responsabilité est très souvent attendue.
Disons les choses sans atermoiements. ‘’Gabon Matin’’ est un médium public, qui emploie des agents publics (vous permettrez la redondance), des journalistes professionnels dont la carrière, et donc le pedigree ne se discute plus.
En faisant le choix de publier un dossier de 4 pages consacrées aux disparitions présumées d’enfants à Libreville, objet de la psychose ambiante dans les foyers, la Rédaction du journal progouvernemental, que l’on sait professionnelle, s’est appuyée, et l’on a aucune raison d’en douter, sur des faits devenus très récurrents depuis plusieurs semaines à la capitale comme dans l’hinterland.
Des faits qui, rappelons-le aussi, sont loin d’être nouveaux, et dont la profusion avait dû contraindre le gouvernement il y a encore quelques années, à la suspension des cours sur plusieurs jours.
La peur généralisée que manifestent les populations sur des cas d’enlèvements présumés d’enfants est loin d’être anecdotique.
Pour s’en convaincre, le gouvernement dont Pascal Houangni Ambouroue dit être « indigné » de la Une de notre confrère, devrait considérer l’interpellation de trois protagonistes intervenue le mardi 26 avril courant, et dont les photos ont fuité sur les réseaux sociaux. Ces derniers, entendus par une antenne locale de la police judiciaire, se sont infiltrés dans un site d’Olam à Mboukou, dans le département de Tsamba Magotsi, dans la perspective d’enlever des enfants. Simple psychose ou faits réelles ?
A l’école publique de Bambouchine, à Libreville, une fillette a échappé in extrémis il y a quelques jours à une tentative d’enlèvement, aux heures de classes, alors qu’elle se dirigeait derrière les bâtiments pour libérer sa vessie.
Dans cette structure publique désormais en alerte, des instructions de sécurité ont été à la fois communiquées aux élèves et au personnel enseignant.
Et que dire d’Anges Jérémie Kakouo Awounga, cet élève de 12 ans du Lycée national Léon Mba, disparu le 15 avril avant d’être retrouvé inerte le 18 du même mois sur la plage mitoyenne de son lycée ?
Pascal Houangni Ambouroue et le gouvernement dont il exprime « l’indignation » sont-ils à ce point dans le déni ?
En alléguant dans sa déclaration que « Ces dérives (celles relatives à la publication de Gabon Matin, selon lui) sont fortement et sévèrement sanctionnées ailleurs », et que « le Gabon ne peut déroger à la règle », Pascal Houangni Ambouroue a fait l’aveu de l’embrigadement des médias qu’il compte probablement faire régner.
Un bâillonnement à peine voilé annoncé sur des confrères dont la mission est pourtant d’informer les populations d’une part ; et d’interpeller les pouvoirs publics sur des faits majeurs, d’autre part.
Mais de cela, le ministre de la Communication ne semble visiblement pas se soucier.
La journée mondiale de la liberté de la presse que s’apprête à célébrer le Gabon ne le sera que de façade, à titre commémoratif puisque dans la pratique, tout est fait, semble-t-il, pour contraindre les professionnels des médias, les journalistes, à éviter les sujets qui impliquent directement la responsabilité du gouvernement sinon gare au bâton. Et Pascal Houangni Ambouroue vient d’en donner confirmation.