Par Stive Roméo Makanga
Les magistrats en charge du dossier inhérent à la bataille judiciaire qui oppose la BGFI et l’Étude Alfred Bongo Ondimba se sont-ils sali les mains? C’est la question qui turlupine désormais, tant les équivoques qui émaillent cette affaire apparaissent tout grossièrement à l’opinion.
“Les magistrats doivent être indépendants du pouvoir, des parties au procès et du public. C’est par là que le monde nous juge parce que c’est par là que nous pouvons prouver notre capacité à assurer la solidité de nos institutions”, rappelait très justement Kéba Mbaye, un magistrat notoirement connu.
Une assertion qui se justifie par le fait que l’image du magistrat n’a pas toujours été celle d’un homme impartial et austère, s’exprimant avec parcimonie et disant simplement le droit, tel qu’il doit être. Mais les faits ont aussi convaincu plus d’un de ce qu’elle est aussi celle d’un homme vénal, pris par l’appât du gain et compromis jusqu’à la moelle, dans bien des affaires judiciaires qui lui sont confiées.
C’est très justement la dernière considération qui interroge, dans le cadre de l’affaire BGFI versus Étude Alfred Bongo Ondimba.
Le procès pourtant remporté haut la main et l’institution financière condamnée à payer la somme de 1,499 milliard de francs à titre principal, et celle de 800 millions francs CFA à titre de dommages et intérêts, voici qu’un nouveau rebondissement vient conforter la thèse d’un possible complot.
La saisie conservatoire de créances et des biens meubles corporels de l’Étude ABO. Deux entités, le FGIS et IBL estiment que ce dernier leur devrait un total d’un milliard et 500 millions.
Et, suivant la requête introduite le 20 avril 2022 auprès du président du Tribunal de Commerce, cette somme serait le fait d’une “augmentation du capital de la société Tropical Holding”, reçue sur le compte de Notaire de Me Alfred Bongo Ondimba.
Précisant que “la société Tropical Holding n’avait jamais reçu ladite somme sur son compte pour procéder à l’augmentation du capital”, et que “Maître Alfred Bongo Ondimba tente de se soustraire de ses obligations et a décidé de ne plus payer sa dette au motif que la BGFIBANK lui avait détourné ces sommes”.
Pourtant, les documents dont notre Rédaction a obtenu copie prouvent le contraire.
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D’abord, que la somme de 600 millions de francs CFA a bel et bien été émise par chèques à l’ordre de Me Gisèle Eyue Bekale, au profit de IBL.
Ensuite, une quittance de versement au Trésor public Gabonais, d’une valeur de 900 millions de francs CFA, datée du 29 mai 2015 et procédé par l’Étude Alfred Bongo Ondimba clôt définitivement le débat.
Enfin, dans un courrier daté du 30 août 2018, Sosthène Ossoungou Ndibangoye, alors directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor, atteste bien à Me Éliane Oberdeno du retour des fonds dans les livres du Trésor public. Une opération émise par l’Étude Alfred Bongo Ondimba.
Que s’est-il donc passé pour que l’on considère que ces fonds n’ont jamais été restitués, alors qu’une traçabilité existe?
Comment Me Nadège Raïssa Matsanga Mombo, pourtant au fait de tout ce feuilleton, ait pu autoriser la saisie conservatoire de créances et des biens meubles corporels?
Par extraordinaire, les versements procédés par l’Étude Alfred Bongo Ondimba auraient-ils été empochés par les magistrats en charge de l’affaire ? Cette dernière hypothèse, si avérée, devrait conduire à une suspension ou une radiation, au meilleur des cas, des manoeuvriers de cette affaire.
LE CURIEUX SILENCE D’AKIM DAOUDA QUI SONNE COMME UN ARRANGEMENT OCCULTE
Akim Daouda, passé Administrateur directeur général (ADG) depuis sa nomination en 2020 par Ali Bongo Ondimba, a été, bien avant cet épisode, l’adjoint de Serge Mikoto, alors patron du Fonds gabonais d’investissements stratégique (FGIS).
La restitution des fonds au profit de son institution ne saurait, à ce titre, lui échapper.
Aussi, Akim Daouda aurait pu, pour tordre le coup à la digression, confirmer la restitution de ces fonds.
Pourtant, il règne comme une omerta depuis le début de ce nouveau feuilleton judiciaire.
Serait-ce un fait imposé par une autorité, un puissant? On ne saurait l’affirmer avec force.
Il reste que l’appareil judiciaire en charge de cette affaire, ce depuis le début, pourrait être compromis.