Par Zek Adjitchè ALAFAÏ
L’Afrique de l’ouest était il y a un passé récent l’une des régions, sinon la région de l’Afrique qui comptait le plus de régimes démocratiques. Mais force est de constater depuis peu que la donne est en train de changer.
Dans un rapport récemment publié, le tout premier du genre, Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) fait l’état des lieux de la démocratie en Afrique de l’ouest.
Intitulé << Monitoring de l’autocratisation en Afrique de l’Ouest >>, ce rapport, annuel il faut le dire, montre, chiffres et indicateurs à l’appui, les progrès et les reculs de la démocratie dans et à travers les quinze pays de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et couvre la période d’avant les coups d’État au Mali, en Guinée et au Burkina Faso.
Dans le préambule du rapport, l’institution précise que celui-ci << s’appuie largement sur la base de données mondiale la plus utilisée pour le suivi de la démocratie : le projet Varieties of Democraty, communément appelé V-Dem >>.
<< Sur la base des données V-Dem, le rapport donne un aperçu de l’état actuel de la démocratie libérale dans la sous-région et met en exergue les évolutions les plus saillantes aussi bien au niveau des institutions qu’à celui des pratiques depuis 2010 >>, peut-on y lire.
Si avec l’évolution de l’actualité politique dans la sous-région, certaines conclusions du rapport deviennent caduques, il présente toujours un intérêt indéniable et mérite d’être ventilé auprès du grand public. Les experts qui ont travaillé à la rédaction du rapport sont arrivés à la conclusion que : << le recul démocratique se déroule plus en Afrique de l’Ouest que dans d’autres régions du monde>>.
Argument discutable, serait-on tenté de dire. Toujours est-il que : << la dégradation de la qualité des élections, l’affaiblissement du contrôle parlementaire sur l’exécutif et la détérioration de l’environnement pour la participation des citoyens et de la société civile font partie, selon ces derniers, des menaces majeures qui pèsent sur la démocratie dans la sous-région >>.
État des lieux
De façon globale, note le rapport, << l’Afrique de l’Ouest reste la région la plus démocratique en Afrique et fait partie des régions les plus démocratiques de l’hémisphère sud >>.
Les tendances régionales montrent également que : << le niveau de démocratie libérale en Afrique de l’ouest a régulièrement progressé du début des années 1990 jusqu’au milieu des années 2010. Depuis 2017, les progrès démocratiques en Afrique de l’Ouest sont au point mort >>.
Ce qui pourrait expliquer que : << le recul démocratique se produit plus rapidement en Afrique de l’Ouest que dans de nombreuses autres régions du monde >>.
Les coups d’État au Mali, en Guinée et tout récemment au Burkina Faso sont là pour le témoigner. Qui n’avance pas recule, dit-on.
On y note également que : << la qualité des élections s’est améliorée dans toutes la région de la CEDEAO depuis 2010, mais les problèmes de violence électorales, d’achats de votes et d’organisation des élections persistent dans de nombreux pays >>.
Toujours selon le rapport : << la sous-région a connu en moyenne une légère amélioration des contraintes judiciaires sur l’exécutif, mais les contraintes législatives sur l’exécutif se sont affaiblies >>.
Toutefois, << les pays de la CEDEAO obtiennent généralement de bons résultats pour les indicateurs de la liberté d’expression et d’association, mais les moyens de participation de la société civile ont diminué depuis 2010 >>.
Des progrès démocratiques donc, comme en Gambie, en Sierra Leone et au Niger mais aussi des signaux d’alerte comme au Bénin et on ne le citera jamais assez au Mali, au Burkina et en Guinée.
En ce qui concerne le Bénin par exemple, le rapport précise: << autrefois célébré pour ses solides antécédents démocratiques, le Bénin a connu la plus grande régression démocratique de ces dernières années que tout autre pays de la CEDEAO>>.
La réforme du système partisan est passée par là…
La démocratie en danger ?
Le processus démocratique connaît, c’est sûr, des balbutiements ces dernières années en Afrique de l’Ouest. Est-ce pour autant qu’il faut s’alarmer et voir dans les trois coups d’État qui ont amené des hommes en armes au pouvoir une révolution printanière qui embrasera la sous-région ?
N’est-ce pas que le processus démocratique est dans une phase de maturation et qu’il est donc normal que des événements de ce genre viennent l’éprouver ?
Y a-t-il péril en la demeure ? Autant de questions auxquelles chacun pourra répondre, que des experts et études auront certainement à étayer, dans un proche avenir on l’espère, suivant l’évolution de l’actualité de la région.