Par Stive Roméo Makanga
Saisi par les contempteurs de Me Raymond Obame Sima, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative du Gabon a rendu sa décision le 20 avril dernier. Cette dernière invalide l’élection du 6 janvier de la même année, laquelle avait porté avec 68 voix le bâtonnier déchu à la tête de l’Ordre. Un scrutin qui s’était pourtant passé dans les règles de l’art, mais que Mes Jean Paul Moubembé, Gilbert Erangah et Sandra Omanda Chambrier ont fortement récusé, alléguant que Me Raymond Obame Sima ne justifiait pas de plus d’une décennie d’exercice au Grand tableau, de n’être pas capable de défendre l’Ordre à la Cour de cassation, auprès de laquelle il n’aurait pas prêté serment, et de n’être pas aussi capable de défendre l’organisation qu’il dirige à la Cour constitutionnelle.
Ainsi, si le Conseil d’État a fait usage de quelques tours de passe-passe pour prononcer l’invalidation de l’élection de Me Obame Sima, il résulte cependant que la haute juridiction n’a guère accédé au souhait du ministère public, qui requérait par ailleurs une déclaration d’inéligibilité du bâtonnier élu. Ce qui, il faut le comprendre, n’aurait plus donné la possibilité à ce dernier de se représenter une nouvelle fois.
On imagine que lorsque le bâtonnier intérimaire aura été désigné, et que la date d’un nouveau scrutin aura été décidée, Me Raymond Obame Sima se fera le plaisir d’y prendre part (à nouveau).
Et, question de logique, les mêmes qui l’ont élu (68 voix, contre 45 voix pour Me Chambrier Omanga et 10 voix pour Me Homa Moussavou), lui accorderont de nouveau leurs suffrages.
De plus, si l’on considère le différentiel de 23 voix entretenu entre Mes Raymond Obame Sima et Sandra Omanda Chambrier, on ne peut que reconnaître, question de cohérence oblige, que le premier cité sera de nouveau élu à la tête du Bâtonnat.
De fait, en déclarant “nous avons gagné”, quelques minutes après la décision du Conseil d’État, Me Jean Paul Moubembé et les siens ont peut-être jubilé trop vite.
DE LA DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT
La thèse que deux membres du gouvernement, Denise Mekam’ne épouse Taty et Erline Antonella Ndembet aient influé sur les magistrats devient de plus en plus plausible. En effet, comment expliquer que le ministère public ait jugé recevable une requête qu’elle avait antérieurement jugé irrecevable ? Et, sur quel élément s’est appuyé la même institution pour invalider le scrutin de janvier?
Pour Me Raymond Obame Sima, interrogé à ce sujet par nos confrères de RFI, le Conseil d’État se serait appuyé sur l’article 59 de la loi régissant la profession d’avocat. Cependant, ce dernier dispose que “les élections générales ont lieu tous les deux ans. Elles concernent l’élection des membres du conseil de l’Ordre, et l’élection du bâtonnier. Le bâtonnier en exercice en fixe l’ordre du jour et convoqué l’Assemblée générale au moins un mois avant la date retenue. Le jour de l’élection, le bureau de vote est constitué sous la présidence du bâtonnier sortant. Si ce dernier est de nouveau candidat comme Bâtonnier, le bureau est présidé par le membre le plus ancien du conseil de l’Ordre ou, en cas d’ancienneté légale, par le membre le plus âgé. En cas de vote par procuration, aucun avocat ne peut détenir plus de deux procurations. Est déclaré nul, le bulletin de vote contenant un nombre de candidats supérieur ou inférieur à celui des sièges à pourvoir. Tout bulletin blanc est considéré comme un vote valablement exprimé. Sous peine de nullité, toutes les candidatures doivent être déposées au secrétariat de l’Ordre au plus tard quinze jours avant la date du scrutin”.
Une disposition pourtant claire, mais qui semble avoir été plutôt confuse dans l’esprit des magistrats puisque le Conseil d’État a trouvé une disposition pour obliger le bâtonnier à publier quinze jours avant le scrutin, la liste du collège électoral.
ARGUMENTS
En considération de ces éléments, une question taraude plus d’un avocat: le Conseil d’État aurait-il confondu liste des candidats et liste électorale ? Selon toute indication, cette interrogation avait lors des débats en audience fait couler beaucoup de salive. Or, pour la défense de Me Raymond Obame Sima, si l’on veut bien considérer la loi relative à la profession d’avocat, aucune disposition ne précise un délai pour la publication de la liste électorale.
Conséquemment, en s’appuyant sur l’article 128 du règlement intérieur du barreau, disposition qui stipule clairement que “les cotisations sont recevables jusqu’au jour de l’élection”, il est donc impossible de publier d’avance la liste du collège électoral.
Et, en référence à l’élection du barreau en 2014 et 2016, nos confrères d’Echos du Nord rappellent que Me Akumbu M’Oluna aurait demandé à ses confrères de l’époque la régularisation de leurs cotisations au plus tard le 31 janvier 2014 à 18h00, le scrutin ayant été prévu le jour suivant.
“À quel moment Me Akumbu M’Oluna aurait-il publié le fameux collège électoral ?”, interroge Échos du Nord. “Pourquoi ses adversaires malheureux n’ont-ils pas saisi le Conseil d’État pour l’annulation de cette élection ?”, poursuivent-ils. “Ils ne l’ont pas fait au nom de l’article 128 de leur règlement intérieur”, conclu l’hebdomadaire d’analyses et d’investigations, convaincue que Me Raymond Obame Sima a été victime d’une injustice de la haute juridiction administrative, et qu’en considération de cela, elle n’aurait pas souhaité en rajouter une couche, ce en déclarant le bâtonnier déchu inéligible. Ceci expliquant donc cela.