[ÉDITORIAL] Sortie médiatique de la famille du président de la commission électorale du 5e arrondissement de Libreville : l’indécence de trop
Par Stive Roméo Makanga
Les élections législatives et locales du 27 septembre dernier auraient pu être un moment de respiration démocratique, un pas supplémentaire dans la consolidation de la Cinquième République. Mais à la lumière des faits, elles révèlent surtout combien les vieilles pratiques électorales ont la peau dure. À travers le pays, les observateurs ont constaté une série d’irrégularités flagrantes, parfois grossières, qui trahissent un manque de rigueur et de respect pour la volonté populaire.
Dans le 5ᵉ arrondissement de Libreville, le désordre électoral a atteint des sommets. Là, où la transparence devait triompher, on a vu des bulletins nuls comptabilisés, des procédures contournées et des pressions visibles dans plusieurs centres de vote. Face à ce fiasco électoral, des leaders politiques locaux ont tiré la sonnette d’alarme, en dénonçant collectivement les dérives d’un scrutin qui, à certains égards, n’honore pas les ambitions démocratiques du pays, et plus particulièrement, celles du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema.
La réaction des autorités administratives ne s’est pas fait attendre : le président de la commission électorale du 5ᵉ arrondissement a été démis de ses fonctions. Une mesure logique au regard du chaos observé. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est la sortie publique de sa famille sur les réseaux sociaux. Une prise de parole déplacée, indécente même, dans un contexte où l’exemplarité administrative devrait primer sur les émotions personnelles.
Cette famille n’avait ni la légitimité, ni la compétence, ni le devoir de parler au nom d’une institution publique. Et pourtant, elle l’a fait. Non pas pour défendre l’honneur de la République, mais pour régler des comptes politiques. Pis encore, son courroux s’est concentré sur Arsène Nkoghe, candidat de l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), sorti vainqueur du scrutin, plutôt que sur le Front uni des partis politiques, collectif pourtant à l’origine des dénonciations.
Cette attitude pose une question fondamentale : depuis quand les familles des responsables administratifs sanctionnés se substituent-elles à l’État pour défendre des décisions qui relèvent du domaine public ? Ce mélange des genres, entre fonction publique et émotions privées, est dangereux. Il est évident qu’il dévoie la fonction, affaiblit la crédibilité de l’administration et nourrit cette impression persistante que, dans certaines sphères, le service public est devenu une affaire de clan.
Quant au président de la commission électorale lui-même, il ne saurait se réfugier derrière la ferveur familiale. Sa gestion du scrutin, entachée de légèretés et de manquements graves, appelle d’abord une reddition de comptes, non des lamentations sentimentales. Servir la République, c’est accepter d’en assumer les rigueurs. Et lorsqu’on faillit à cette mission, le silence digne vaut mieux que les justifications mal inspirées.
Interrogé sur cette polémique, Arsène Nkoghe, la tête de gondole de la famille, a choisi la voie de la réserve :
> « Je n’aimerais pas rentrer dans les querelles de personnes », a-t-il confié, avant d’ajouter : « Tous les autres partis se sont plaints. L’objectif est peut-être de ternir mon image. Mais je ne veux pas répondre à cela. »
Une réponse mesurée, qui contraste avec l’agitation de ceux qui cherchent à détourner l’attention des véritables problèmes : la crédibilité du processus électoral et la rigueur de son encadrement.
Au fond, cette affaire illustre un mal plus profond : l’incapacité de certains acteurs à dissocier fonction publique et intérêts personnels. Ce n’est pas la Cinquième République qu’il faut accuser, mais plutôt les comportements qui, en son sein, sapent son autorité morale. Tant que les institutions seront parasitées par les réflexes de clan, la République, elle, continuera d’être tenue en otage par les petits calculs et les grandes lâchetés.
Le Gabon a besoin d’une administration forte, sobre et responsable, pas d’un théâtre familial où la République sert de décor aux querelles privées.
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