En « exil forcé », Hervé Opiangah saisit la Commission Africaine des Droits de l’Homme
Par Stive Roméo Makanga
L’affaire est désormais trop grave pour rester cantonnée aux frontières du Gabon. Hervé Patrick Opiangah, capitaine d’industrie respecté et ancien ministre des Mines, vient de porter son combat devant la Commission africaine des droits de l’homme. Une décision lourde de sens, qui révèle l’impasse judiciaire dans laquelle se trouve cet homme de 54 ans, contraint à l’exil depuis quatre mois.
Le parcours d’Opiangah ressemble à une tragédie grecque moderne. En septembre 2023, alors que le Gabon pansait ses plaies après le coup d’État mettant fin à 56 ans de règne des Bongo, il fut nommé ministre des Mines dans le gouvernement de transition. Un poste clé pour ce patron à la tête d’une entreprise employant 6 500 personnes.
Pourtant, deux mois plus tard, tout bascule. Dans la nuit du 20 au 21 novembre, des hommes « cagoulés » investissent sa résidence sans mandat, selon ses parti, l’Union pour la Démocratie et l’Intégration Sociale (UDIS). Les accusations portées contre lui – inceste sur sa propre fille Elisabeth – semblent d’autant plus suspectes que la jeune femme les a catégoriquement démenties, tout en résistant même à plusieurs jours de garde à vue destinés visiblement à la faire plier. « On a voulu instrumentaliser une jeune femme pour abattre un opposant », dénonce Me Marc Bensimhon, l’avocat français qui défend Opiangah.
La chronologie des événements est troublante. Président de l’UDIS, Hervé Patrick Opiangah s’était opposé au référendum constitutionnel porté par le général Brice Clotaire Oligui Nguema. Une position qui, selon son parti, lui aurait valu ces ennuis judiciaires.
Aujourd’hui, toutes les portes semblent s’être refermées les unes après les autres au Gabon. Cour constitutionnelle, Cour d’appel, Conseil d’État : aucun recours n’a abouti. Même les interventions auprès du corps diplomatique et de la conférence épiscopale sont restées vaines.
« L’utilisation de l’appareil d’État contre mon client est manifeste », insiste Me Bensimhon, connu pour avoir défendu l’opposant béninois Sébastien Ajavon. Derrière le drame se profile une catastrophe économique. L’entreprise d’Opiangah, pilier de l’économie gabonaise, étouffe sous le poids des procédures. « 6 500 emplois sont en jeu », rappelle un cadre de la société. L’homme d’affaires ne demande qu’une chose : pouvoir rentrer en toute sécurité dans son pays, protéger sa famille, sauver son entreprise et retrouver sa dignité. Cette affaire, désormais suivie par les médias internationaux, devient le test de la nouvelle transition politique ici chez nous. Le pouvoir saura-t-il faire preuve de mesure ? La réponse viendra peut-être de Banjul, où siège la Commission africaine des droits de l’homme.
En attendant, l’exil forcé d’Opiangah jette une ombre inquiétante sur le nouveau régime, prompt à parler de renouveau démocratique mais accusé ici d’utiliser des méthodes qui rappellent fâcheusement les heures les plus sombres du Gabon. Nous y reviendrons.



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