Les futures pandémies seront plus meurtrières que la Covid-19, révèle l’IPBES (The Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services). À moins d’alléger la pression humaine sur la biodiversité. Parmi les préconisations : taxer la consommation de viande.
Les conclusions de l’atelier organisé en juin dernier par le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) de la biodiversité sur les liens entre dégradation de la nature et pandémies sont inquiétantes. Révélées le jeudi 29 octobre 2020, elles montrent que les futures pandémies seront plus fréquentes, se propageront plus rapidement, impacteront davantage l’économie mondiale et feront plus de victimes que l’actuelle pandémie de Covid-19.
Des conclusions qui vont dans le même sens que l’appel lancé en avril dernier par quatre experts de l’IPBES. « Une seule espèce est responsable de la pandémie de Covid-19 : la nôtre », avaient déclaré les scientifiques. Ces conclusions sont « parfaitement cohérentes » avec le rapport publié en juin dernier par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), estime Philippe Grandcolas, directeur de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité. À travers une synthèse des connaissances scientifiques existante sur la question, la FRB avait montré que le risque de zoonoses était accru par l’érosion de la biodiversité, en particulier du fait de facteurs anthropiques.
850 000 virus inconnus
Seule solution pour éviter ce scénario catastrophe selon les 22 experts internationaux auteurs de cette analyse : un changement radical d’approche, en particulier sur l’approche préventive. Car, confirment les scientifiques, l’émergence de la pandémie de Covid-19 s’explique bien par les activités humaines même si elle a ses origines dans des microbes importés par les animaux. Jusqu’à 850 000 virus inconnus présents dans la nature pourraient encore infecter l’être humain, évaluent-ils.
« Les mêmes activités humaines qui sont à l’origine du changement climatique et de la perte de biodiversité entraînent également le risque de pandémie par leurs impacts sur notre environnement », explique Peter Daszak, président de l’atelier de l’IPBES. Et de citer ces activités problématiques : changements d’utilisation des terres, expansion et intensification de l’agriculture, production et consommation non durables. Ces activités « augmentent les contacts entre la faune, le bétail, les agents pathogènes et les humains » et constituent par conséquent une voie royale vers les pandémies.
Coût de prévention 100 fois moins élevé
La bonne nouvelle, c’est que l’on sait sur quoi agir pour diminuer le risque. L’action curative, à travers notamment les vaccins et les médicaments, est considérée par les auteurs comme « une voie lente et incertaine », mais également coûteuse. Le coût de la pandémie de Covid-19 s’élevait déjà entre 8 et 16 milliards de dollars dans le monde au mois de juillet. Le coût pour réduire les risques de façon préventive est estimé cent fois moins élevé par les scientifiques.
Ces derniers formulent un certain nombre de propositions en ce sens. Ils préconisent, en premier lieu, de créer un Conseil intergouvernemental sur la prévention des pandémies permettant aux décideurs politiques de disposer des données les plus fiables sur les maladies émergentes.
Il s’agit ensuite de s’attaquer aux facteurs de risques comme la déforestation et le commerce des espèces sauvages. Les scientifiques préconisent notamment d’intégrer les risques de pandémie dans l’étude d’impact des grands projets d’aménagement et d’utilisation des terres.
Les auteurs proposent également de taxer les activités à haut risque de pandémie. Ces taxes pourraient par exemple porter sur la consommation de viande ou la production animale. De manière plus globale, il s’agit d’intégrer le coût économique des pandémies dans la consommation et la production, ainsi que dans les budgets et les politiques gouvernementales.
Institutionnaliser l’approche One Health
Le rapport préconise également d’institutionnaliser l’approche One Health dans les politiques nationales. Une approche qui reconnaît les interconnexions complexes entre la santé des personnes, des animaux, des plantes et l’environnement, et tient compte des conséquences à long terme des actions de développement.
Cette préconisation a retenu l’attention de Bérangère Abba, secrétaire d’État française chargée de la biodiversité. « Pour éviter la multiplication des pandémies, nous devons adopter une approche « One health – Une seule santé », préventive, globalisée et qui fasse de la préservation de la biodiversité une priorité politique, économique et sociale. Notre gouvernement s’y engage en participant, à l’émergence d’une telle approche à l’échelle internationale, notamment en s’engageant pour le succès de la COP15 », a déclaré Mme Abba, récemment élue vice-présidente de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement.
Sauf que la tenue de la 15ème conférence des parties (COP 15) à la Convention sur la diversité biologique (CDB), déjà repoussée, reste dépendante de l’évolution… de la pandémie de Covid-19.
Source : actu-environnement