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Gabon/Macron en visite : un partenariat repensé au service d’intérêts partagés

Par Stive Roméo Makanga

Emmanuel Macron était à Libreville les 23 et 24 novembre 2025 pour ce que les communiqués officiels qualifient d’« visite d’État » destinée à renforcer et renouveler un partenariat séculaire. L’image était soigneusement calibrée : accueil protocolaire au pas de l’aéroport, tête-à-tête prolongé entre les deux Présidents, puis déclaration commune. Mais au-delà de la mise en scène, ce séjour porte des retombées concrètes (et positives) qu’il convient d’analyser sans naïveté mais avec réalisme.

D’abord, l’essentiel : il s’agit d’une volonté affichée de passer d’une relation fondée sur l’accès aux matières premières à un partenariat centré sur la transformation locale et la création d’emplois. Le Gabon a fait savoir, par la voix de son Président, que la valorisation sur place des ressources n’est plus un simple slogan mais l’axe stratégique qui doit piloter les futures coopérations industrielles. Emmanuel Macron a repris, de son côté, l’idée qu’il fallait « réinventer le partenariat » et que l’Afrique ne devait plus être réduite à l’extraction primaire de ses richesses, formule qui dessine un cadre nouveau pour les projets bilatéraux.

Concrètement, la visite a permis la signature d’accords et d’engagements opérationnels. La France confirme son soutien à des projets d’infrastructures (à commencer par la réhabilitation du chemin de fer transgabonais), au développement durable et à des programmes de formation technique. Ces initiatives s’accompagnent d’un message clair en faveur d’investissements responsables : près de 85 filiales françaises opèrent au Gabon et représentent plus de 12 000 emplois, des chiffres qui expliquent l’intérêt pragmatique d’un partenariat rénové, axé sur la pérennisation des emplois locaux et le transfert de compétences.

Sur le plan économique et financier, la dimension la plus salutaire de la visite est sans doute l’engagement conjoint à encourager la transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des contrats et des ressources. Brice Clotaire Oligui Nguema a, lors des allocutions publiques, rappelé la nécessité de lutter contre les détournements et d’obtenir la restitution d’avoirs mal acquis, une demande adressée aussi à la France, par des voies judiciaires et institutionnelles. Macron a pour sa part assuré que la coopération judiciaire et financière devait être mobilisée pour que les décisions rendues aboutissent effectivement, en ouvrant la porte à des mécanismes de coopération plus efficaces. Pour un pays en quête de moyens pour financer son développement, ces gages de coopération juridique et financière ont un impact réel.

Autre point positif : l’orientation vers l’industrialisation. Les engagements annoncés (collaboration dans la filière forêt, appui à l’industrialisation minière respectueuse des normes, et mise en place de chaînes de valeur locales) répondent à une exigence partagée. Si la France apporte expertise, financements et partenariats industriels, le Gabon offre stabilité, cadres réglementaires en mutation et volonté politique de favoriser la transformation locale. Ce tandem présente l’intérêt d’être pragmatique : il crée des opportunités pour des PME gabonaises, stimule l’emploi et réduit la dépendance aux seuls flux d’exportation brute.

Enfin, il faut reconnaître la dimension symbolique (parfois sous-estimée) d’une visite de chef d’État. La France et le Gabon entretiennent des liens historiques profonds (culturels, humains, économiques) qui expliquent une interconnexion d’intérêts et d’affects. Rappeler cette qualité des relations n’est pas un simple appel au passé : c’est la reconnaissance d’un capital de confiance mobilisable pour des projets d’avenir. La mise en avant conjointe de la protection des forêts, des programmes éducatifs et des échanges culturels montre une volonté de nourrir ces liens sur des bases renouvelées et mutuellement avantageuses.

Que retenir, en définitive ? Que cette visite, loin d’être une opération cosmétique, a posé des jalons opérationnels utiles : engagements pour l’industrialisation locale, appui à des infrastructures structurantes, promesses de coopération judiciaire pour la restitution d’avoirs, et un cadre incitatif pour des investissements responsables. Reste la mise en œuvre : l’espoir aujourd’hui est que les mots prononcés à Libreville se traduisent rapidement en contrats transparents, transferts de compétences et créations d’emplois mesurables. Si tel est le cas, cette visite pourra être l’amorce d’un partenariat plus équilibré : profitable au Gabon et, d’une certaine manière, vertueux pour la France elle-même, qui trouve là une nouvelle raison d’être présente sous la bannière du développement partagé.

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