Par Stive Roméo Makanga
Brice Clotaire Oligui Nguema est-il intervenu pour sortir Landry Amiang Washington de “Sans familles” après l’application du mandat d’arrêt ? C’est la question que se posent désormais les populations. Si ces faits sont avérés, c’est tout le processus de Transition qui serait discrédité et le chef de l’État lui-même trempé dans la boue.
La justice constitue, selon les principes fondamentaux de l’État de droit, un pilier sacré et inébranlable, indispensable à la préservation de la démocratie et des libertés. Toute ingérence dans les affaires judiciaires, particulièrement de la part de l’Exécutif, suscite naturellement l’indignation et questionne sur le respect de la séparation des pouvoirs, pierre angulaire de toute gouvernance digne de ce nom. Le récent comportement du Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, dans une affaire judiciaire en cours, fait naître de sérieuses interrogations quant à l’indépendance effective de l’institution judiciaire gabonaise.
Une contradiction flagrante entre le discours et l’action
« Force restera toujours à la loi », avait martelé le Chef de l’État dans un discours réaffirmant son attachement aux principes de justice et d’équité. Pourtant, si les informations récentes venaient à se confirmer, le fossé entre ce discours solennel et la réalité des faits deviendrait alarmant. En s’immisçant dans une procédure judiciaire en cours, le Président de la Transition militaire mettrait en péril non seulement l’indépendance de la justice, mais également la crédibilité de ses propres engagements.
L’écart croissant entre les paroles et les actes du Général Président ne peut être ignoré. Si, d’un côté, il prône l’avènement d’une justice forte et autonome, de l’autre, son intervention dans une affaire judiciaire jette une ombre inquiétante sur sa sincérité. Il ne s’agit pas simplement d’une contradiction de surface, mais d’un risque de déstabilisation profonde des institutions, alors même que le pays traverse une période de transition cruciale. Cette attitude, loin d’être anodine, entache gravement la sacralité de la parole présidentielle et laisse planer le doute sur la véritable volonté de restaurer l’État de droit au Gabon.
Une humiliation pour l’institution judiciaire
Si l’ingérence présidentielle se confirme, elle constituerait une véritable humiliation pour l’institution judiciaire, la vidant de sa substance et compromettant son autorité. Une justice forte est le garant ultime des droits et libertés des citoyens, et toute atteinte à son indépendance porte un coup fatal à la démocratie. En intervenant dans une procédure judiciaire en cours, le général Président ferait preuve d’un mépris flagrant pour cette institution, remettant en question l’intégrité même de la justice gabonaise.
Cette immixtion risque de déstabiliser durablement le système judiciaire, dont la crédibilité repose sur son impartialité. Plus inquiétant encore, un tel acte envoie un signal déplorable non seulement à l’opinion publique, mais aussi à la communauté internationale, observant de près la transition politique en cours. Alors que la restauration des institutions figure parmi les objectifs phares de la période actuelle, une ingérence dans le fonctionnement de la justice va à l’encontre des idéaux de transparence et de responsabilité proclamés par le Chef de l’État lui-même.
La transition politique que traverse actuellement le Gabon repose sur un engagement solennel de rétablir les fondements mêmes de la démocratie, dont le respect de la séparation des pouvoirs est un principe non négociable. L’ingérence du Président dans une procédure judiciaire en cours, si elle est avérée, mettrait en péril tout le processus de transition. Loin de garantir la restauration des institutions, elle risquerait de les affaiblir davantage, semant le doute sur l’avenir démocratique du pays.
La restauration des institutions ne saurait se limiter à des déclarations d’intention. Elle nécessite des actes concrets et cohérents, visant à renforcer l’autonomie et l’intégrité des différentes composantes de l’État. Or, l’action présidentielle décriée semble plutôt aller dans le sens inverse, compromettant l’indépendance de la justice, condition sine qua non de toute véritable démocratie. Cette immixtion fragilise la confiance des populations envers les autorités et leur capacité à mener à bien la transition politique de manière transparente et inclusive.
Le danger d’un précédent regrettable
En intervenant dans une procédure judiciaire en cours, le Président BCON créerait un précédent regrettable, dont les conséquences pourraient être lourdes pour l’avenir de la démocratie gabonaise. Une telle action risque d’encourager d’autres acteurs politiques à empiéter sur les prérogatives de la justice, au mépris des principes fondamentaux de l’État de droit. Ce précédent poserait un sérieux problème de gouvernance, et compromettrait l’effort collectif de restauration des institutions entamé depuis la prise de pouvoir par la junte militaire.
L’indépendance de la justice ne saurait souffrir d’aucune exception. Elle doit être protégée avec la plus grande rigueur, surtout en période de transition où les institutions sont en pleine réorganisation. Si le Président souhaite vraiment laisser un héritage positif au Gabon, il doit veiller à ce que la justice reste libre de toute ingérence, et ce, quel que soit le contexte ou les circonstances.
Il est impératif que le Président de la République, en tant que garant des institutions, prenne conscience des dangers d’une telle ingérence. L’histoire nous enseigne que les régimes qui s’écartent des principes de l’État de droit en paient tôt ou tard le prix fort. Si le Chef de l’État souhaite véritablement ancrer la justice dans une dynamique d’indépendance et de rigueur, il doit s’abstenir de toute intervention susceptible de compromettre cette indépendance. L’avenir du Gabon, et plus largement de son processus de démocratisation, en dépend.
Le temps est venu pour Brice Clotaire Oligui Nguema de démontrer par des actes concrets son attachement aux valeurs qu’il prône. On ne veut pas de discours populistes. La justice doit pouvoir s’exercer en toute indépendance, libre des pressions politiques et des intérêts partisans. Ce n’est qu’à cette condition que le Gabon pourra se doter des institutions fortes et crédibles, nécessaires pour assurer une transition réussie et préparer l’avenir démocratique du pays.