L’Afrique sous influence : la diplomatie minière de la Chine, une colonisation sans drapeau
Par Stive Roméo Makanga
L’Afrique change de visage minier. Jadis chasse gardée des puissances occidentales, le continent s’émancipe sous l’influence d’un nouvel acteur hégémonique : la Chine. Discrète mais méthodique, Pékin s’impose aujourd’hui comme le véritable maître du sous-sol africain, au grand dam d’une France déchue de son trône économique.
De Bamako à Niamey, en passant par Ouagadougou, les entreprises chinoises prospèrent là où les sociétés françaises et occidentales reculent. Dans un Sahel désormais sous le contrôle de juntes militaires souverainistes, la Chine a su se frayer un passage en or, ou plutôt en lithium, en uranium et en cuivre. Le récent article du journal Le Monde en apporte la preuve : alors que la Russie occupe bruyamment le terrain militaire, la Chine avance silencieusement ses pions économiques, exploitant les mines et consolidant son influence sous couvert de partenariats « mutuellement bénéfiques ».
À Goulamina, au Mali, la société chinoise Ganfeng Lithium, cotée aux Bourses de Shenzhen et de Hong Kong, a inauguré une nouvelle usine de production de lithium, ressource vitale pour la transition énergétique mondiale. Pendant que l’Occident s’interroge sur la faisabilité d’une indépendance énergétique, Pékin transforme la matière première africaine en batteries électriques sur son propre sol. Une stratégie claire : capter les ressources à la source pour alimenter sa domination industrielle.
Face à cette montée en puissance, la France paraît bien isolée. Le départ de ses entreprises minières du Niger, notamment d’Orano (ex-Areva), marque la fin d’un cycle. Paris a perdu le contrôle de ses anciennes mines d’uranium: ces mêmes gisements qui assuraient jadis la lumière de ses foyers. Désormais, ce sont les compagnies chinoises qui négocient directement avec les nouvelles autorités africaines, souvent plus enclines à un partenariat pragmatique qu’à une tutelle morale.
Selon un dossier de l’Agence Ecofin, la Chine s’est dotée d’une stratégie cohérente de “colonisation discrète du sous-sol africain”. Loin des méthodes du passé colonial, Pékin privilégie la diplomatie économique : investissements massifs, infrastructures clés en main, annulations de dettes, et promesses d’emplois. En échange, elle obtient des concessions minières, parfois pour plusieurs décennies. Une politique d’influence redoutablement efficace.
Pour les régimes militaires du Sahel, pressés par les sanctions et les difficultés budgétaires, le choix est vite fait : la Chine ne juge pas, elle finance. Elle n’exige ni réformes politiques ni reddition de comptes. Son pragmatisme séduit, surtout lorsqu’il permet d’échapper à la tutelle occidentale.
Mais cette “coopération” a un prix. Si la France perd du terrain, c’est aussi l’Afrique qui risque d’y laisser son autonomie économique. Les minerais bruts quittent le continent sans réelle transformation locale, perpétuant la dépendance structurelle des États africains. Les mines africaines nourrissent la croissance chinoise plus qu’elles ne développent les économies africaines.
Ainsi, derrière la rhétorique du partenariat gagnant-gagnant, se cache une nouvelle forme de dépendance. La Chine, désormais première puissance minière étrangère en Afrique, ne colonise pas par les armes, mais par les contrats.
Et pendant que Paris s’interroge sur les ruines de son influence, Pékin, elle, construit l’avenir, bloc après bloc, mine après mine.
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