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Mairie de Libreville : Emmanuel Berre, l’évidence tranquille d’un favori Mpongwe

Par Joseph Mundruma

Sous les lambris ternis de l’hôtel de ville de Libreville, un nom s’impose désormais avec la constance d’une évidence : Emmanuel Berre. Selon un sondage du cabinet Booking, le candidat des Bâtisseurs caracole en tête des intentions de vote, crédité de 70 % des voix parmi les conseillers municipaux. Un score qui, dans un paysage politique où la loyauté se dilue souvent dans les calculs de circonstance, confine à un plébiscite.

Ce n’est pas tant la ferveur des partisans que la solidité du parcours qui semble faire la différence. Ancien directeur de BGFI School, de l’Agence nationale des bourses du Gabon (ANBG), puis de la Direction générale de la dette, avant de prendre les commandes de l’Autorité de l’eau et de l’électricité, Emmanuel Berre traîne derrière lui un CV que beaucoup de technocrates envieraient. Son nom évoque rigueur, compétence, et surtout (vertu rare dans la jungle administrative gabonaise) probité morale. Dans les couloirs de l’hôtel de ville, on ne parle plus que de lui : « Il connaît les dossiers, il sait gérer », souffle un agent municipal qui préfère, prudence oblige, garder l’anonymat.

Mais au-delà de la logique du mérite, le jeu politique obéit à d’autres équilibres, moins visibles mais tout aussi décisifs. Au Gabon, la géopolitique (cet art subtil d’ajuster les postes aux appartenances ethniques) reste une règle non écrite, mais bien appliquée. Depuis plusieurs décennies, la mairie de Libreville se joue à deux voix : les Fang et les Omiènè (ou Mpongwe), qui alternent au gré des mandats et des alliances. Après Léandre Nzue, Eugène Mba, Christine Mba Ndutume, et plus récemment Adrien Nguema Mba, tous issus de la sphère fang de l’Estuaire, l’arithmétique ethno-politique voudrait que le prochain maire soit Mpongwe.

Dans cette logique, Emmanuel Berre apparaît comme le choix le plus naturel. Sa candidature coche toutes les cases du moment : compétence, loyauté, et ce supplément d’ancrage géopolitique qui rassure les vieux routiers du système. Reste que le président du mouvement des Bâtisseurs en chef semble vouloir rompre avec la vieille politique des « parachutés ». Il a promis une sélection fondée sur la compétence et le mérite, loin des arrangements tribaux qui ont trop souvent façonné les nominations locales.

Libreville, capitale tentaculaire aux finances fragiles et à l’administration pléthorique, attend sans doute autre chose qu’un simple jeu d’alternance ethnique : un gestionnaire, un bâtisseur, un homme d’ordre. Emmanuel Berre pourrait bien incarner cette rupture tranquille, celle d’un technocrate devenu, malgré lui, favori des pronostics. Mais en politique gabonaise, les évidences sont souvent provisoires, et la géopolitique, elle, n’a pas dit son dernier mot.

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