Marine marchande : Jean-Cruz Lessagui recadre et précise qu’il veut bien discuter avec le syndicat, mais pas avec « un groupuscule de bandits » et de « terroristes »
Par Stive Roméo Makanga
Vendredi 17 octobre, à la traditionnelle salle de l’immeuble Arambo, sur le boulevard Triomphal, s’est tenue une conférence de presse d’une rare intensité informative. À la tribune, Jean-Cruz Lessagui, directeur général de la Marine Marchande, a tenu à remettre les pendules à l’heure, face aux rumeurs de grève générale illimitée, de malversations financières et de gestion controversée. Dans un ton à la fois ferme et pédagogique, le patron de la Marine Marchande a livré un message clair : « il n’en est rien ».
« L’échange d’aujourd’hui est une continuation de notre engagement de communiquer régulièrement avec nos agents pour certaines explications. Certains médias ont parlé d’une grève générale illimitée et de détournements. Le but de cette rencontre est de clarifier les choses », a-t-il affirmé d’entrée de jeu.
Selon Jean-Cruz Lessagui, l’administration qu’il a trouvée à son arrivée le 19 septembre 2024 était « totalement abandonnée et asséchée financièrement ». Et d’ajouter avec une formule lourde de sens :
« C’était à l’image de ce qu’était le Gabon avant le coup de la Libération du 30 août 2023. »
Le directeur général a tenu à dresser un bilan lucide mais encourageant de ses douze premiers mois à la tête de l’administration maritime. À son arrivée, a-t-il révélé, le compte sous gestion de l’Agence comptable n’affichait que 680 millions de francs CFA, une somme dérisoire au regard des besoins de fonctionnement.
« On m’a caché une dette colossale », a-t-il dénoncé, visiblement excédé par ce qu’il considère comme un sabotage administratif.
Jean-Cruz Lessagui a aussi dénoncé la disparition de plus de 20 climatiseurs, ainsi que la vente illégale du bus dédié au personnel de Port-Gentil, en qualifiant ces actes d’« indignes et criminels ».
Malgré cet héritage chaotique, des réformes structurelles ont été amorcées : acquisition du bâtiment administratif sur fonds propres, dotation en véhicules, amélioration des conditions de travail, rotation régulière des agents en mission. « Ce sont des éléments qui, avant notre arrivée, n’étaient pas d’actualité », a-t-il rappelé.
L’un des points chauds de la conférence a concerné la crise ouverte avec le syndicat de la Marine Marchande. Jean-Cruz Lessagui a dénoncé ce qu’il qualifie de « dérive illégale » :
« Depuis notre arrivée, nous avons invité le syndicat à travailler avec nous, à condition de faire les choses dans la légalité. Or, le syndicat viole lui-même son propre règlement. Son président, nommé en Conseil des ministres, cumule cette fonction avec celle de chef de station. Ce cumul est incompatible et non négociable. »
Selon lui, ledit syndicat se maintiendrait par « ruse », en se présentant comme intérimaire sans avoir démissionné devant une assemblée générale légitime. Et de marteler :
« Ce sont des choses que nous ne voulons plus voir dans la Cinquième République. Nous voulons changer les pratiques, et la légalité doit prévaloir. »
Jean-Cruz Lessagui a toutefois tenu à nuancer sa position :
« Je ne refuse pas de dialoguer avec le syndicat, je refuse de parler à un groupuscule de bandits, de terroristes et de vendeurs du patrimoine de l’État. Qu’ils s’organisent, qu’ils tiennent des élections libres et transparentes, et nous pourrons discuter. »
Le directeur général a aussi promis de diligenter dès le 27 octobre 2025 la convocation de plusieurs responsables pour qu’ils s’expliquent sur « un certain nombre d’affaires floues » liées à leur gestion passée.
Il a par ailleurs dénoncé l’existence de “chefs de services mafieux” opérant au sein même de la Marine Marchande, qui percevraient des recettes directement auprès des opérateurs économiques sans les reverser à l’Agence comptable.
« D’énormes plaintes ont écumé mon bureau, ainsi que des correspondances d’avocats représentant des opérateurs économiques abusés », a-t-il révélé.
Dans cette dynamique de redressement, le directeur général a également rappelé que le nouveau bâtiment administratif, acquis sous sa gestion, l’a été sur instruction du chef de l’État, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, pour un montant de 1,65 milliard de francs CFA. Un fait historique, une première pour la direction générale de la Marine Marchande, qui témoigne de la volonté présidentielle de doter ce secteur stratégique d’infrastructures modernes et adaptées à ses ambitions.
Cette acquisition, au-delà de sa valeur symbolique, traduit aussi le management rigoureux et la vision réformatrice de Jean-Cruz Lessagui, dont la gestion s’inscrit dans une logique de transparence, d’efficacité et de rupture avec les vieilles pratiques. L’homme s’attache à impulser une dynamique nouvelle, fondée sur la rigueur, la performance et le respect des règles administratives.
En définitive, Jean-Cruz Lessagui a voulu replacer son action dans la dynamique réformatrice de la Ve République :
« Nous voulons améliorer les conditions de vie de nos agents et assainir cette administration. Il y a un flou juridique autour des primes de rendement, mais le ministre d’État s’est déjà saisi du dossier. Nous ne voulons rien promettre avant qu’une décision légale ne soit prise. »
Ce discours de vérité, tenu dans une atmosphère tendue mais maîtrisée, marque une étape importante dans la bataille de la transparence engagée au sein de la Marine Marchande. Entre volonté de redressement et refus des compromissions, Jean-Cruz Lessagui s’impose, pour l’heure, comme l’un des visages les plus résolus de la réforme administrative à l’ère de la Cinquième République, même si les syndicalistes, de leur côté, promettent désormais de le faire tomber.
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