Par Stive Roméo Makanga
2009- 2016. Puis 2016- 2023. Le prochain scrutin approche à grandes enjambées. Partout ailleurs, à Libreville comme dans l’hinterland, les populations ne cachent plus leurs frustrations, leur dépit, leur exaspération.
Les promesses d’Ali Bongo Ondimba, alors en campagne pour le premier septennat, ont manqué de concrétisation. Tout a échoué, et l’on ne compte plus que sur les effets des réformes. Inutile de rappeler que là encore, il ne s’agit que de projections.
Du Plan Stratégique Gabon Émergent (PSGE), l’on est très vite passé au Plan d’accélération et de la transformation (PAT). Des correctifs qui n’ont rien apporté puisque les choses sont demeurées en l’état. Les 5000 logements par an n’ont jamais eu lieu. La courbe du chômage des jeunes diplômés atteint un pic inquiétant, les contrées lointaines du Gabon profond végètent dans une indicible pauvreté. Et, à l’écoute du discours asymétrique prononcé le 16 août finissant, peu avant la célébration du 62e anniversaire du pays, les populations ont bien entendu qu’elles n’ont plus rien à espérer. C’est foutu.
Tout de même, il faut être naïf pour penser que le président de la République est le seul responsable de tous les manquements constatés.
Mais puisqu’il est celui qui a sollicité les suffrages des Gabonais pour présider leurs à leurs destinés, il est tout à fait plausible et cohérent que toutes les frustrations lui soient ainsi imputées. Logique.
Encore une fois, à toute chose il est judicieux d’établir les responsabilités. Ali Bongo Ondimba a voulu ses magistères profondément différents de ceux de ses devanciers. La décennie de la femme, l’égalité des chances, tout comme le septennat de la jeunesse sont des exemples éloquents de sa conception de la gestion de la chose publique.
Qu’il s’agisse des structures de son parti ou des administrations publiques, les plus importantes bien entendu, tout a été fait dans l’optique d’insuffler une ère nouvelle.
C’est précisément ces réformes “historiques”, pour autant qu’on veuille les considérer comme telles, qui lui valent aujourd’hui toutes les diatribes, y compris les plus désobligeantes, les plus insoutenables.
Ces pamphlets, formulés à tort ou à raison, constituent désormais une épine à son pied, et pourraient peser lourd lors du scrutin imminent.
Ali Bongo Ondimba, “rénovateur” dans l’âme, a voulu les choses différentes. Mais pour quel résultat ?
Le bilan est cinglant. Les auditions de ses anciens collaborateurs devant la Cour criminelle spéciale sont sans appel. Son second septennat est profondément entaché. Les détournements de l’argent public résonnent comme un écho.
Ike Ngouoni et Christian Patrichi Tanasa ont affirmé, preuves à l’appui, du moins pour le premier cité, que d’importants fonds, qui se chiffrent au milliard, avaient transité entre leurs institutions et la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la famille (SBO), et que Jessye Ella Ekogha, alors employé de cette entité, les avait bel et bien perçu.
La diffusion sur les réseaux sociaux, quelques jours après ces aveux, de documents portant la signature du communicant en chef du Palais Rénovation valide la thèse d’une compromission évidente.
La Fondation Sylvia Bongo Ondimba a été formelle. Dans un communiqué très largement ventilé sur la toile, le directoire de cet organisme voulait pour précision qu’ils n’avaient reçu qu’un total de 10 millions, en toute légalité. Si l’on considère les 650 millions x 2 qu’aurait perçu le porte-parole de la présidence de la République, décaissés par Christian Patrichi Tanasa, et près de 100 millions sortis du Palais par Ike Ngouoni, également remis à Jessye Ella Ekogha, il y a matière à s’interroger.
Le jeune collaborateur d’Ali Bongo Ondimba aurait-il pris cet argent à son compte? Si l’on considère le communiqué de la Fondation Sylvia Bongo Ondimba, on peut clairement répondre par l’affirmative.
Toutefois, puisqu’il est justiciable comme n’importe lequel des Gabonais, le porte-parole de la présidence de la République devrait être entendu. Une procédure qui si elle était engagée, aurait la pertinence de démêler cette affaire de corruption, qui a déjà sali la République, ici comme à l’international.
Et puisqu’il s’agit là encore d’un jeune collaborateur du chef de l’État, cité dans une affaire lugubre, la démarche la plus objective voudrait qu’il soit mis à la disposition de la justice, et que l’institution soit dissociée des actes ici reprochés.
Ali Bongo Ondimba paie déjà assez cher pour la non-concrétisation de ses promesses faites aux populations. Les Gabonais lui font sans cesse le reproche de n’avoir pas satisfait leurs attentes.
L’image publique du président de la République serait rehaussée si et seulement si une rupture exemplaire était faite avec les actes et comportements anti-républicains par lesquels ses collaborateurs d’hier et d’aujourd’hui se sont rendus coupables.
Ali Bongo Ondimba ne se fera pas hara-kiri. Il ne se repentira pas pour des péchés commis par les autres, bien au contraire. Chacun devra assumer ses actes. Devant la justice et devant le peuple gabonais tout entier, ils devront rendre des comptes.
L’échec d’Ali Bongo Ondimba, cumulé sur deux mandats consécutifs, n’est absolument pas personnel. Ses collaborateurs, les plus jeunes surtout, en sont responsables, du moins en partie et les détournements tant évoqués en sont une preuve massue.
Au risque de dégringoler davantage en popularité, et surtout en crédibilité, le scrutin présidentiel approchant à grands pas, Ali Bongo Ondimba gagnerait à remettre de l’ordre dans son cercle restreint. Un tri sélectif pour ne retenir que les plus irréprochables s’impose désormais.
Tous ceux qui peuvent constituer un frein à une réélection de l’actuel président de la République doivent être mis de côté…au risque de tout gâcher.