Par Stive Roméo Makanga
Pour Ali Bongo Ondimba, cette fin de mandat est profondément douloureuse. Non pas parce qu’il a échoué à répondre favorablement aux principales attentes des populations, mais bien parce que ses jeunes collaborateurs l’ont enfoncé dans la gadoue. L’image publique du chef de l’État se trouve écornée comme jamais, par faute d’une communication opportune, calibrée et respectueuse des codes qui prévalent en la matière.
Comble de toute orthodoxie, c’est plutôt une succession de mise en scènes navrantes, une sorte d’impréparation, qui frise l’improvisation et qui se perpétue au Palais du Bord de mer, surtout pour ce qui est de la Communication.
Dans son oeuvre intitulée “Argent”, publiée en 1913, Péguy affirmait que “quelles que soient nos divergences dans les républiques intellectuelles, quelles que soient entre nous nos contrariétés même, il est évident qu’en face d’un certain grand public (…) nous sommes tous solidaires”, c’est la raison de l’indignation du plus grand nombre, car qu’on l’aime ou que l’on désapprouve ses choix politiques, le président de la République demeure une institution, et la première qui soit d’ailleurs. La patrie est donc emmenée à la préserver de tout effet sarcastique, en raison de l’interdépendance évidente.
De fait, la préservation de son image, son honneur, s’impose à tous et ne saurait souffrir de contestation.
Cette seule réalité commande que face à l’irrationnel, l’on soit habité par une sorte de sursaut patriotique… républicain.
La République est une communauté d’esprit et chacun est appelé, quelque soit son domaine de définition, à la défendre bec et ongles.
Et donc, Ali Bongo Ondimba, en tant qu’institution, appartient à tous et n’est la chasse gardée de personne, pas même celle de son parti. C’est d’ailleurs ce qui exaspère plus d’un, y compris ceux de son bord politique, et la démission de Jo Da Crazy, l’ancien porte-parole du PDG et conseiller spécial du Distingué camarade président (DCP), il y a quelques heures seulement, l’illustre de fort belle manière.
Il est navrant de constater qu’en un seul septennat, celui de 2016-2023, notamment, l’image du président de la République ait été profondément affaiblie, amoindrie, par le fait de ses propres collaborateurs.
Le chef de l’État clos donc son dernier mandat sous les feux des projecteurs de la communauté internationale, qui a découvert ces derniers mois une succession de faits pestilentiels, ceux-là même qui portent un lourd discrédit sur tout le pays.
Après les émulsions post électorales de 2016, la communauté internationale a fait la découverte d’un pays aguerri en matière de fraude électorale.
Cet épisode oublié, c’est désormais un état à scandales financiers impénitents, dont les principaux acteurs sont les collaborateurs directs du chef de l’État, qui auraient agi (si l’on se réfère aux aveux de Christian Patrichi Tanasa et Ike Ngouoni à la Cour criminelle spéciale) en parfaite collusion avec quelques membres de la famille présidentielle.
Pour la première fois depuis notre indépendance, le Gabon a été vendu au-delà de nos frontières comme un pays pourri, dont les actes de détournements de deniers publics semblent constituer l’ADN de certains. Ces faits viennent clore une longue listes de saillies, dont les détentions supposément arbitraires et politiques.
D’ailleurs, la dernière rencontre de Patrice Motsepe et Ali Bongo Ondimba valide cette thèse. Le président en exercice de la Confédération africaine de football (CAF), alors en séjour à Libreville, a offert à son hôte un fanion destiné à Pierre Alain Mounguengui (PAM), président élu de la Fédération gabonaise de football (FEGAFOOT), en détention préventive à la prison centrale de Libreville pour des faits de non dénonciation des actes de pédophilie au sein du monde du football.
Un fait, que l’on sait réchauffé et servi à la presse internationale, qui a sali au plus haut point l’image de nos institutions sportives.
Il faut croire que le petit présent de Patrice Motsepe à Ali Bongo Ondimba a tout l’air d’un message subliminal de l’instance faîtière du football africain, non convaincu de la culpabilité du président de la FEGAFOOT sur les faits reprochés. Il en exprimait d’ailleurs le doute.
Si la puissance d’une nation se mesure à sa faculté de bouleverser les systèmes au-delà de ses frontières, et l’exemple de la Russie dans le conflit entretenu avec l’Ukraine constituant un exemple explicite, il faut aussi reconnaître que la faiblesse d’une nation pourrait se mesurer à son “aptitude” (vous permettrez mon ironie) à vendre négativement à l’international les images de ses principales autorités et institutions.
S’ils l’avaient voulu, par sursaut patriotique, par honneur et pour la préservation de nos institutions, les nouveaux collaborateurs d’Ali Bongo auraient pu tenir les audiences des Blaboys loin des caméras, en ne les rendant pas publiques.
Tout comme ils auraient dû laisser Pierre Alain Mounguengui (PAM), pourtant reconduit à la tête de la fédération qu’il dirige depuis deux mandats consécutifs, mener à bien ses activités, la manoeuvre des dossiers sales de la pédophilie en milieu sportif, servi en boucle sur les médias français ayant échoué.
C’était pourtant simple. Mais le vin est tiré, et il faut le boire.
C’est le président de la République qui en paie les frais et la note est particulièrement salée.
Il faut définitivement retenir que parmi les coupables, la communication présidentielle est comptable de cette déliquescence, pour n’avoir pas assez mis à l’abri l’image, l’honneur et la respectabilité du chef de l’État.
À moins d’un an du scrutin, Ali Bongo Ondimba devrait faire le nettoyage de son cercle restreint. Ceux qui l’ont enfoncé, la tristement célébrissime young team par exemple, devrait céder leurs juteux fauteuils aux personnalités de juste calibre, au background politique reconnu de tous, éprouvé par le temps et les circonstances.
Et ceux qui dans son gouvernement ne se sont pas montrés à la hauteur des enjeux, devraient logiquement faire la place à d’autres compatriotes, peut-être plus pragmatiques, plus compétents.
Le contraire serait du suicide.