Produits pétroliers : Libreville maintient la subvention pour préserver la paix sociale
Par Davy James
Il y a des décisions politiques qui valent plus qu’un long discours sur l’état d’une nation. Celle du président Brice Clotaire Oligui Nguéma, de maintenir la subvention sur les produits pétroliers au-delà de janvier 2026, en fait partie. Une mesure d’apparence technique, mais au fond éminemment politique, et surtout sociale.
L’annonce a été faite mercredi par le ministre du Pétrole et du Gaz, Sosthène Nguéma Nguéma, visiblement soulagé de pouvoir refermer un dossier qui inquiétait jusqu’au sommet de l’État. « Il était question qu’au 1er janvier 2026, la subvention soit retirée. Mais les conséquences économiques et sociales auraient été lourdes pour toutes les couches de la population », a-t-il déclaré. Autrement dit, le chef de l’État a préféré désamorcer une bombe à retardement avant qu’elle n’explose dans les foyers, les stations-service et les marchés du pays.
La réforme, annoncée le 5 septembre dernier, prévoyait pourtant une libéralisation progressive du secteur pétrolier, destinée à soulager le budget national en réduisant les mécanismes de compensation. Une logique de bonne gestion budgétaire, certes, mais dont les effets auraient été dévastateurs dans un pays où chaque franc de carburant pèse sur le panier de la ménagère. Selon plusieurs experts, la suppression de la subvention aurait provoqué une hausse immédiate des prix du carburant de 15 à 30 %, avec un effet domino sur les denrées alimentaires, le transport et, in fine, le coût de la vie.
Or, dans un contexte où le climat social reste fragile et où les Gabonais, déjà éprouvés par les hausses successives des prix et les tensions salariales, supportent mal la perspective de nouveaux sacrifices, la décision présidentielle relève autant du réalisme que du pragmatisme. En choisissant de prolonger le soutien de l’État, Oligui Nguéma opte pour la stabilité, ce bien rare que tout gouvernement redoute de voir vaciller.
Depuis plusieurs années, le Gabon pratique une politique de subvention généralisée sur le gaz butane, le gasoil, l’essence et le pétrole lampant. Objectif : amortir les fluctuations du marché international et préserver le pouvoir d’achat des ménages. Ce mécanisme de péréquation représente un coût annuel oscillant entre 51 et 105 milliards de francs CFA, selon le cours du baril. En 2024, l’État y a consacré 75 milliards, un chiffre qui dit tout du poids budgétaire de cette « bienveillance économique ».
Dans un monde où les dogmes économiques prônent la rigueur et la vérité des prix, la décision du président de la Transition apparaît presque hérétique. Mais elle rappelle que la macroéconomie ne fait pas toujours bon ménage avec la paix sociale. Entre la tentation d’ajuster les comptes et celle de ménager les vies, Oligui Nguéma a tranché : le Gabon n’est pas encore prêt pour la vérité des prix à la pompe.
Et peut-être a-t-il raison. Car dans un pays où le litre d’essence ne se mesure pas seulement en litres, mais en journées de travail, le prix du carburant est d’abord un baromètre politique. Et pour l’heure, ce baromètre vient d’éviter une tempête.



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