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Quand la parole publique se vautre dans la boue : la sortie indigne de Gervais Oniane contre Camélia Ntoutoum Leclercq

Par Stive Roméo Makanga

Il est des mots qui salissent plus que la boue. Ceux, proférés avec rage et vulgarité, qui trahissent moins la colère que la médiocrité. Gervais Oniane, Haut Représentant personnel du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, vient d’en donner la démonstration affligeante. Dans une sortie médiatique d’une violence rare, l’homme a couvert d’injures Camélia Ntoutoum Leclercq, ministre d’État en charge de l’Éducation nationale. Nous nous abstiendrons ici de reproduire les insanités qu’il a déversées – par respect, d’abord, pour nos lecteurs, ensuite pour la décence la plus élémentaire.

Cette scène, qui aurait pu prêter à rire si elle n’était pas si lamentable, révèle un mal plus profond : celui d’une parole publique dévoyée, d’une fonction politique qui s’abandonne à la trivialité. Que le Haut Représentant du chef de l’État (censé incarner une certaine idée de la République, de sa dignité et de son autorité morale) se laisse aller à pareille grossièreté, voilà qui laisse pantois. Car en insultant une ministre, ce n’est pas seulement une personne qu’il a offensée, mais une institution qu’il a dégradée.

Dans toute démocratie sérieuse, la mesure des mots est un attribut du pouvoir. Elle traduit le niveau de civilisation politique d’un régime, la conscience qu’ont ses serviteurs de la responsabilité qu’ils portent. Or, à travers cet éclat de vulgarité, le patron de l’UPR, un parti politique très controversé, a fait voler en éclats cette retenue. Pire encore, il a introduit dans la sphère publique un ton qui en dit long sur la manière dont certains conçoivent désormais l’autorité : non comme un exercice de raison, mais comme un défouloir d’égos.

Il serait tentant de voir dans cet épisode un simple dérapage verbal, une saute d’humeur regrettable. Ce serait une erreur. Ce qui s’est joué là, c’est la banalisation de la violence symbolique au sommet de l’État. Ce type d’excès n’est pas anodin ; il imprime des réflexes, installe une culture. Quand un haut représentant se permet d’invectiver une ministre, que restera-t-il aux citoyens ordinaires sinon l’imitation du pire ? Quand la parole politique devient ordurière, c’est le lien civique lui-même qui se désagrège.

Le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, soucieux d’instaurer un État moralement régénéré, ne peut rester indifférent à une telle dérive. Si la Ve République veut se distinguer de l’ancien régime par l’éthique et la discipline, alors il lui appartient de rappeler à l’ordre ceux qui, par orgueil ou ressentiment, ternissent son image. On ne bâtit pas un État juste sur des injures, pas plus qu’on ne réconcilie un peuple en cultivant l’humiliation.

Pierre-Antoine Delhommais, dans une de ses chroniques, aurait sans doute parlé d’« obscénité morale » pour qualifier ce genre de débordement, celle d’un pouvoir qui se croit assez fort pour tout dire, même l’indicible. Gervais Oniane vient d’offrir au pays une triste leçon : lorsqu’on confond autorité et brutalité verbale, on cesse d’être un homme d’État pour devenir un simple homme en colère. Et la République, elle, ne gagne rien à ces fureurs-là. Quelle tristesse !

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