Par Stive Roméo Makanga
Nommé député de la Transition par Brice Clotaire Oligui Nguema, Marcel Libama se dresse aujourd’hui en fervent opposant au projet de constitution proposé par le Comité de Transition pour la Restauration des Institutions (CTRI). En présence de certains leaders dont Mike Jocktane, ancien candidat à la présidentielle de 2023, Alain Mouagouadi, une figure importante de la CONASYSED et Geoffroy Mfoumboula Libeka Makosso, le député n’a pas mâché ses mots. Dans une critique sans concession formulée mardi 5 novembre courant, à l’occasion d’une déclaration formulée au quartier Louis, à Libreville, il a qualifié le texte de “discriminatoire” et de “destructeur pour les principes républicains”, et a appelé les Gabonais à rejeter massivement ce projet par un vote “Non” au référendum.
Pour Marcel Libama, plusieurs dispositions du projet constitutionnel posent un problème majeur de discrimination. Le député pointe en particulier l’obligation pour les candidats à la présidence d’être mariés à des Gabonaises, ainsi que les restrictions envers les binationaux. Revenant sur l’histoire du Gabon, il a cité des figures marquantes, notamment Edith Lucie Bongo Ondimba, épouse de l’ancien président Omar Bongo Ondimba, qui, malgré sa nationalité congolaise, a contribué au développement du pays avec des réalisations comme la Fondation Horizon nouveau, l’établissement Michel Dirat et l’hôpital El Rapha. Selon lui, cette exigence est infondée et symbolise une vision étroite qui néglige les apports de personnalités non-gabonaises à la nation.
Dans son réquisitoire, Marcel Libama est également revenu sur les promesses faites par le CTRI au début de la Transition. Selon lui, les engagements pris pour instaurer une gouvernance transparente et inclusive ont été trahis, au profit de dynamiques d’influence qu’il qualifie de “forces d’inertie tapies dans l’ombre”. Ces groupes d’intérêt, estime-t-il, auraient détourné le président de la Transition de ses objectifs initiaux de renouveau démocratique, en prenant en otage le processus de réforme.
Au cœur de ses préoccupations se trouve la concentration de pouvoirs entre les mains du président de la République. Marcel Libama dénonce un “pouvoir absolu”, et affirme que le projet de constitution érige le président en chef de toutes les administrations civiles et militaires, tout en lui conférant un droit de nomination sans contrepoids. “Ce qui implique, soyons-en bien conscients, une soumission totalement inconditionnelle au chef et non un engagement républicain au service des citoyens”, a-t-il déclaré. Pour lui, cette disposition représente un recul démocratique, transformant le président en un seigneur quasi-monarchique à qui le gouvernement doit obéissance.
Marcel Libama ne s’arrête pas là : il critique également le rôle subordonné que ce projet accorde au vice-président et aux membres du gouvernement. Selon lui, le président de la République disposerait d’une emprise totale sur ces institutions, qui ne pourraient fonctionner que sous son bon vouloir. Il dénonce ainsi une “vassalisation anachronique des institutions” qui, à ses yeux, trahit l’esprit même d’un État républicain et démocratique.
Un autre point de contestation porte sur le rôle du parlement. Marcel Libama regrette que le projet de constitution relègue l’Assemblée nationale à un statut “périphérique”, rendant ses pouvoirs presque inopérants. À titre de comparaison, il évoque la constitution de 1991, qui offrait selon lui un équilibre des pouvoirs plus sain et donnait au parlement une certaine autonomie. La suppression du “vote de confiance” et de la “motion de censure”, des dispositifs cruciaux pour contrôler l’exécutif, est pour lui un affront à la démocratie parlementaire. “C’est une folie”, a-t-il martelé, tout en dénonçant une “hérésie constitutionnelle” qui priverait le peuple gabonais de tout pouvoir de contrôle sur le gouvernement.
Au-delà des enjeux institutionnels, Marcel Libama fustige l’absence de protection des populations autochtones face à l’expropriation des terres et des richesses naturelles dans ce texte constitutionnel. Pour lui, la nouvelle constitution devrait prioritairement défendre les droits des Gabonais, en garantissant que les ressources du pays soient exploitées au bénéfice de tous et non au profit d’intérêts particuliers. Ce silence du projet sur la question des ressources est pour lui une autre preuve de sa déconnexion avec les réalités du Gabon.
Dans son allocution, Marcel Libama a appelé les Gabonais à se mobiliser pour rejeter ce qu’il considère comme une dérive autoritaire. “Un projet de constitution, qui ne protège pas les populations autochtones de l’expropriation des terres et des richesses de leur sol et sous-sol, un projet qui consacre la toute-puissance d’un homme, ne peut être accepté”, a-t-il insisté.
Pour Marcel Libama, il est essentiel que le Gabon se dote d’une constitution qui respecte les principes démocratiques et garantit la séparation des pouvoirs. Le député de la Transition, désormais en dissidence face au pouvoir qui l’a nommé, exhorte ainsi les populations à voter “Non” lors du référendum, et affirme que seul un refus net de ce projet pourra préserver la république gabonaise de cette “dérive autoritaire”.