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«Vous êtes mes ministres, je vous ai nommés, si nous avons des points de vue divergents, prenez votre route» : le gros dérapage de Brice Clotaire Oligui Nguema

Par Kongossanews

Par Stive Roméo Makanga

Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la désormais très controversée Transition au Gabon, fait de nouveau parler de lui. En tournée dans la Nyanga, sa déclaration «Vous êtes mes ministres, je vous ai nommés, si nous avons des points de vue divergents, prenez votre route» en dit long sur sa conception du rôle et des responsabilités des membres du gouvernement. Cette assertion, loin de refléter une vision collaborative du pouvoir, semble plutôt témoigner d’une vision autocratique, voire autoritaire, de la gestion étatique. Assez grave pour être jeté aux oubliettes, il nous paraît judicieux de nous y attarder, pour comprendre l’ampleur de ce dérapage. Il est donc essentiel d’examiner le rôle constitutionnel et démocratique des ministres et de démontrer pourquoi leur adhésion à toutes les décisions présidentielles ne devrait pas être une condition sine qua non de leur fonction.

Tout d’abord, il convient de rappeler que dans un régime démocratique, même en période de transition, la collégialité au sein du gouvernement est un principe fondamental. Le général président devrait comprendre que les ministres ne sont pas de simples exécutants des volontés présidentielles, mais des acteurs clés du processus décisionnel. Dans cette perspective, leur rôle implique de fournir des conseils, de débattre des politiques publiques et de représenter divers points de vue pour enrichir le processus de décision. En effet, un gouvernement efficace est celui qui bénéficie d’une diversité d’opinions et d’approches. Un florilège de raisonnements, qui permet de facto une meilleure évaluation des enjeux et des solutions potentielles.

Ensuite, l’idée que les ministres doivent quitter leur poste en cas de divergence d’opinions avec le président est non seulement contraire à l’esprit démocratique, mais elle est également dangereuse pour la gouvernance. Dans une démocratie saine, le débat et la confrontation d’idées sont essentiels pour éviter les dérives autoritaires et les erreurs de jugement. En étouffant les divergences et en exigeant une obéissance aveugle, le président de la Transition risque de transformer son gouvernement en une chambre d’enregistrement de ses propres décisions. Ce qui pourrait à terme, priver le pays de la richesse des contributions plurielles.

Brice Clotaire Oligui Nguema devrait intégrer que le rôle des ministres va au-delà de la simple exécution des ordres présidentiels. Ils sont également les gardiens de l’intérêt public et les représentants de divers segments de la société. Leur devoir est d’apporter une expertise spécialisée dans leurs domaines respectifs et d’assurer que les politiques gouvernementales sont élaborées et mises en œuvre dans l’intérêt de tous les citoyens. En ce sens, ils doivent avoir la liberté de formuler des critiques constructives et de proposer des alternatives lorsqu’ils estiment que certaines décisions pourraient nuire à l’intérêt général. C’est ce qui est d’ailleurs observé depuis le début de cette Transition.

Par ailleurs, les ministres doivent également rendre compte au parlement et, par extension, au peuple. Cette responsabilité implique qu’ils doivent être en mesure de justifier leurs actions et leurs décisions de manière transparente et indépendante. Exiger leur démission en cas de désaccord avec le président revient à les priver de leur autonomie et de leur capacité à exercer pleinement leur rôle de contrepoids au sein de l’exécutif.

Pour que le gouvernement fonctionne de manière optimale, il est impératif que les relations entre le président et ses ministres soient basées sur le respect mutuel et la collaboration constructive. Le président doit encourager ses ministres à exprimer librement leurs opinions et à participer activement aux discussions stratégiques. Une telle approche favorise non seulement une meilleure prise de décision, mais elle renforce également la légitimité des politiques gouvernementales aux yeux des gabonais, qui ne demandent pas plus.

De plus, il est important de souligner que le leadership démocratique repose sur la capacité à écouter et à intégrer des perspectives diverses. Brice Clotaire Oligui Nguema sait-il que les leaders les plus efficaces sont ceux qui savent tirer parti des compétences et des expériences de leur équipe pour prendre des décisions éclairées? Pas si sûr.

En rejetant les points de vue divergents, le président de la Transition risque de s’isoler et de prendre des décisions mal informées, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour le pays.

Encore une fois, la déclaration de Brice Clotaire Oligui Nguema selon laquelle ses ministres devraient «prendre leur route» en cas de divergence d’opinions constitue un sérieux dérapage par rapport aux principes démocratiques et aux pratiques de bonne gouvernance. Les ministres jouent un rôle crucial en tant que conseillers, gardiens de l’intérêt public et représentants de la diversité des opinions au sein du gouvernement. Pour garantir une gouvernance efficace et responsable, il est essentiel que les relations entre le président et ses ministres soient fondées sur le respect, la collaboration et la reconnaissance de la valeur des contributions plurielles.

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