Politique/Quand l’envie de gagner à tout prix fait perdre la mesure: la sortie déplacée de Chantal Myboto à Lambaréné
Par Stive Roméo Makanga
À l’occasion d’un meeting tenu dans un quartier de Lambaréné dans le cadre du second tour des élections législatives du 11 octobre prochain, Chantal Myboto épouse Ngondjout s’est illustrée par une sortie controversée. Venue défendre la candidature de son mari, Paul Marie Gondjout, elle a prononcé un discours où la passion a visiblement pris le pas sur la mesure, allant jusqu’à évoquer de manière inappropriée la mémoire de feue Rose Francine Rogombé, ancienne présidente de la République.
« Je voudrais tout simplement dire que le bilan de Paul Marie Ngondjout le voilà : il est rentré dans l’opposition très jeune. Depuis les années 2000 jusqu’en 2023, il était opposant », a lancé Chantal Myboto, dans un ton mêlant défi et justification. Une manière de présenter le militantisme comme un bilan, faute de réalisations concrètes à mettre en avant.
Mais c’est surtout lorsqu’elle a convoqué le souvenir de Rose Francine Rogombé que la militante a franchi la ligne rouge.
« Le président Bongo avait promis à Rose Francine Rogombé d’être présidente du Sénat. Mais pour qu’elle le devienne, il fallait qu’elle soit sénateur. Or, ce n’était pas le cas. Et c’est grâce aux voix de l’UGDD et de Paul Marie Ngondjout qu’elle est devenue sénateur et présidente du Sénat », a-t-elle déclaré, avant de conclure : « Quand aujourd’hui, certains demandent le bilan de monsieur Ngondjout, qu’ils se souviennent que sans lui, Rose Francine Rogombé n’aurait pas été présidente du Sénat. »
Vue de sa prise de parole
Des propos d’une rare superficialité, instrumentalisant la mémoire d’une figure nationale à des fins électoralistes. Cet épisode, certains ressortissants de la ville du Grand blanc ne sont pas prêt de l’oublier.
Pour mémoire, il faut préciser que Rose Francine Rogombé, première femme présidente de la République gabonaise par intérim, a marqué l’histoire du pays par sa dignité, son sens du devoir et son respect scrupuleux des institutions.
D’ailleurs, sa mémoire a été solennellement honorée par le président Brice Clotaire Oligui Nguema, en signe de reconnaissance nationale.
Aussi, la réduire à un argument de meeting relève non seulement d’un manque de retenue, mais aussi, dans une moindre mesure, d’un mépris profond pour les symboles républicains. Dans la culture bantoue, le respect des défunts est une valeur cardinale. En parler avec autant de superficialité, fût-ce pour séduire un électorat, revient à profaner une mémoire sacrée.
Derrière cette tirade, c’est peut-être tout le désarroi d’un camp politique à bout de souffle qui transparaît. Malheureusement.
Doit-on comprendre que l’actuel ministre de la Communication soit dans l’inhabilité de convaincre par des propositions tangibles, au point de se contenter de laisser son épouse mener bataille à sa place, dans une confusion des rôles qui illustre à elle seule le manque de stratégie et de leadership? C’est la question que se posent certains acteurs politiques dans les salons feutrés du Grand Libreville.
« Paul Marie Ngondjout, c’est un homme élégant. Il a une élégance morale qui fait en sorte que malgré les injures, il ne répond pas… », a poursuivi Chantal Myboto, comme pour justifier son propre emportement verbal. Mais au lieu de servir la cause de son époux, il faut avouer que ce plaidoyer passionné est perçu par l’opinion comme une incapacité à défendre seul sa candidature.
En politique, la passion peut être une force, mais elle devient faiblesse lorsqu’elle se transforme en excès de langage.
Parler ainsi de Rose Francine Rogombé, juste pour espérer grappiller quelques voix, c’est franchir les limites de ce qu’imposent les valeurs de la culture bantoue.
C’est oublier que la politique est une école du respect, non du ressentiment.
La République gabonaise, dans sa phase de refondation sous l’impulsion de Brice Clotaire Oligui Nguema, ne saurait tolérer que la mémoire de ses grandes figures soit prise en otage par des ambitions électorales personnelles.
Rose Francine Rogombé doit reposer en paix.
Son nom n’a pas vocation à servir d’argument de meeting, mais à inspirer l’unité, la probité et la dignité dans l’action publique.
En voulant défendre son mari, Chantal Myboto Ngondjout a-t-elle trahi l’embarras d’un camp sans projet?
C’est l’idée communément partagée à Lambaréné.
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