Chargement en cours

CNLCEI/Le Gabon sous la loupe internationale : cap sur la transparence

Par Jimmy Mandoukou

Libreville s’apprête à vivre un moment décisif dans sa lutte contre la corruption. Depuis le 20 octobre, le pays a enclenché une mécanique aussi exigeante que prometteuse : le deuxième cycle d’évaluation de la Convention des Nations Unies contre la Corruption. Une démarche qui, loin des déclarations d’intention, place le Gabon face à ses pairs et à ses engagements. À la manœuvre, le président Mbou Nestor et sa Commission Nationale de Lutte contre l’Enrichissement Illicite orchestrent un ballet administratif d’envergure dont l’issue pourrait redéfinir l’image du pays sur l’échiquier international.

L’auto-évaluation, première phase de ce processus rigoureux, bat son plein. Pendant près de trois semaines, dès le 27 octobre, les équipes de la CNLCEI se sont déployées dans les méandres de l’administration centrale et des institutions de la République. Collecter, compiler, valider : chaque donnée compte, chaque réponse sera scrutée. Il s’agit de remplir une liste de contrôle standardisée transmise par l’ONUDC, un exercice d’introspection nationale qui ne souffre aucune approximation. Le 30 novembre prochain, ces informations prendront le chemin de Vienne, vers le secrétariat de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime.

Vue de Nestor Mbou, président de l’institution

Car l’exercice n’a rien d’une formalité protocolaire. Le Tchad et la Libye, désignés par tirage au sort comme évaluateurs, vont passer au crible les mesures préventives gabonaises et les mécanismes de recouvrement d’avoirs. Deux chapitres sensibles de la Convention, deux miroirs dans lesquels le Gabon devra se regarder sans complaisance. Le premier examinera le chapitre 2 relatif aux mesures préventives, tandis que le second se concentrera sur le chapitre 5 concernant le recouvrement d’avoirs. Cette répartition thématique garantit une évaluation approfondie et spécialisée de chaque dimension de la lutte anticorruption.

Une vue des participants

Dès le début 2026 s’ouvrira la deuxième phase, celle de l’examen par les pairs proprement dit. Les experts tchadiens et libyens, accompagnés de représentants de l’ONUDC, fouleront le sol gabonais pour un dialogue direct. Durant deux mois, questions et réponses s’entremêleront dans une quête commune : identifier les réussites, déceler les failles, dessiner les besoins. Cette visite sur place permettra aux évaluateurs de confronter les déclarations aux réalités du terrain, d’échanger avec les acteurs concernés et de comprendre les spécificités du contexte gabonais. Un exercice de vérité qui exige autant de courage que de transparence.

Une autre vue des participants

La troisième phase verra naître le rapport d’examen, fruit d’un travail consensuel entre évaluateurs et évalués. Avec le soutien de l’ONUDC, les experts prépareront un document qui sera soumis à l’approbation du point de contact gabonais. En cas de désaccord, le dialogue se poursuivra jusqu’à l’élaboration d’un rapport final acceptable pour toutes les parties. Un résumé analytique de sept à douze pages sera automatiquement publié sur le site de l’ONUDC, tandis que le rapport complet restera entre les mains des autorités gabonaises, libres de le divulguer ou non. Cette liberté de publication pose la question de la transparence que le pays choisira d’adopter.

Au-delà de l’évaluation elle-même, ce mécanisme promet des retombées concrètes et durables. Les expériences d’autres pays démontrent l’impact du processus : réformes législatives avant et après l’examen, coordination nationale renforcée, développement des capacités institutionnelles. Le partage d’expériences entre États examinés et examinateurs crée une dynamique d’apprentissage mutuel où les bonnes pratiques circulent et s’adaptent. Les recommandations formulées serviront de boussole pour hiérarchiser les besoins d’assistance technique propres au Gabon.

L’après-examen s’annonce tout aussi stratégique. Les tables rondes avec les bailleurs de fonds permettront de transformer les constats en actions, les recommandations en projets financés. Ces plateformes de coordination offriront au Gabon l’opportunité d’attirer l’assistance technique et les investissements nécessaires à la mise en œuvre des réformes identifiées. Le plan d’action qui en découlera constituera une feuille de route précise, assortie d’engagements mesurables et de ressources mobilisables.

Dans cette transparence assumée ou redoutée se joue bien plus qu’une évaluation technique. C’est la crédibilité internationale du Gabon qui se construit, sa capacité à faire de la lutte contre la corruption non pas un slogan, mais une réalité mesurable. L’efficacité du processus repose sur la participation diligente des administrations sectorielles, orchestrée par la CNLCEI qui porte la lourde responsabilité de cette coordination. Les prochains mois diront si Libreville saura transformer cette mise à l’épreuve en tremplin vers une gouvernance exemplaire.

Laisser un commentaire