Affaire Hervé Patrick Opiangah : des incohérences dans les déclarations du procureur ?
Par Stive Roméo Makanga
Depuis quelques semaines, l’affaire Hervé Patrick Opiangah (HPO) a pris des airs de feuilleton politico-judiciaire. À Libreville, les rumeurs enflent, les passions s’embrasent et les institutions vacillent. En son centre, un homme : HPO, président de l’Union pour la Démocratie et l’Intégration Sociale (UDIS), figure de proue d’une opposition qui dérange. Mais derrière cette façade, c’est un tout autre spectacle qui se joue : celui d’une justice aux ordres, où le procureur de Libreville semble endosser, à contrecoeur ou avec zèle, le rôle de bras armé du politique.
D’abord, les faits. Le 13 décembre 2024, sur Gabon 1ère, le procureur de la République prend la parole, grandiloquent, pour annoncer l’ouverture d’une enquête contre Hervé Patrick Opiangah. La plaignante, une ancienne compagne de l’accusé, aurait déposé plainte. Jusque-là, rien de bien exceptionnel. Sauf que, coup de théâtre : des documents officiels révèlent que ladite plainte n’a été enregistrée que le 25 novembre 2024, soit onze jours après la date avancée par le procureur. Une bévue ? Une maladresse ? Non, répond l’UDIS, qui dénonce ce jeudi 13 février 2025, une manipulation grossière pour habiller légalement une cabale politique.
Car tout ceci n’arrive pas par hasard. La veille, le 14 novembre 2024, HPO avait prononcé un discours enflammé contre une révision constitutionnelle controversée, appelant à la rejeter par référendum. Une prise de position frontalement opposée au pouvoir en place, qui n’a manifestement pas goûté cette dissidence. Dès lors, les dominos tombent : actions judiciaires, perquisitions nocturnes, garde à vue de sa fille – pourtant présumée victime –, et intimidation envers ses proches. Comme un goût amer d’instrumentalisation.
Mais le clou de cette tragi-comédie judiciaire reste l’attitude du procureur. Son rôle aurait dû être celui d’un arbitre impartial, scrupuleux dans la recherche de la vérité. Or, tout indique qu’il a préféré s’engager dans une croisade aux méthodes contestables. Perquisitions sans mandat, interventions musclées des forces spéciales, arrestations arbitraires : des pratiques dignes d’un autre temps, que l’UDIS qualifie sans détour de « dérives autoritaires ». Et le procureur, lui, reste de marbre.
Face à cette déferlante, HPO a quitté le territoire, un geste interprété par ses détracteurs comme une fuite, mais que ses soutiens justifient par des raisons de sécurité. « Mieux vaut être vivant pour défendre ses idées », plaide-t-on du côté de l’UDIS, qui brandit des preuves des abus supposés. Constats d’huissier à l’appui, le parti crie au scandale et appelle à un sursaut démocratique.
Pourtant, cette affaire dépasse le seul cas d’HPO. Elle est le symptôme d’un mal bien plus profond : une justice qui vacille sous le poids du politique. La question n’est pas tant de savoir si HPO est coupable ou innocent, mais plutôt si le parquet de Libreville agit encore dans l’intérêt du droit ou s’il s’est mué en un outil docile entre les mains du pouvoir. Et dans un Gabon en transition, ce genre de soupçons est particulièrement toxique.
Car ce qui est en jeu ici, c’est la crédibilité même de l’État de droit. Si l’affaire Opiangah venait à être perçue, au-delà des frontières, comme une démonstration de force politique déguisée en procédure judiciaire, alors le Gabon risquerait de ternir son image sur la scène internationale. L’UDIS l’a bien compris et demande un non-lieu immédiat, accompagné de garanties pour le retour sécurisé de son président.
Mais le mal est fait. L’affaire a révélé les failles béantes d’un système où les institutions, au lieu de protéger les citoyens, semblent parfois servir d’instruments d’oppression. Et pendant ce temps, le Gabon attend, fébrile, que justice soit rendue – ou pas.
Alors, qui osera réparer ce tissu effiloché de l’État de droit ? Certainement pas le procureur de Libreville, dont l’implication dans cette affaire laisse un goût amer. Il reste aux citoyens et à la communauté internationale à se montrer vigilants. Le Gabon, s’il veut renouer avec l’espoir démocratique, doit impérativement redresser la barre. Sinon, après HPO, à qui le tour ? c’est précisément cette problématique qu’a posé l’UDIS, déterminée à aller jusqu’au bout de sa perspective. Attendons de voir.
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