Par Stive Roméo Makanga
« Homo homini lupus » : cette expression de Plaute, rendue célèbre par Thomas Hobbes qui l’utilise dans un ouvrage intitulé De cive, Du citoyen, continuera de transcender les siècles, du fait de sa consubstantialité à la société.
Il faut l’entendre ainsi, la société humaine est à bien des égards une lutte continuelle et une guerre. Le plus cruel ennemi de l’homme, c’est bien l’homme et cette vérité est encore plus observable dans la sphère politique, lieu de toutes les manigances, y compris les plus innommables.
Hobbes écrivait cela en 1642. Aujourd’hui encore, en 2021, cette « vérité » demeure, tel un égrégore. Dans le gotha politique gabonais, les coups-bas, peaux de bananes et autres opérations de pourrissement se comptent désormais par millier.
Mais cette réalité est loin d’être une exclusivité du monde politique. Bien au contraire, elle est observable partout où se jouent des intérêts, y compris dans le domaine médical.
Alors ministre de la Santé, Dr Max Limoukou avait glissé sur les peaux de bananes de Dr Guy Patrick Obiang Ndong. L’on se souvient que ce dernier, aidé par ses soutiens du Palais Rénovation, étaient décidés à prouver coûte que coûte au chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, ses supposés talents d’homme déterminé à éradiquer la crise pandémique sur le sol gabonais.
Dans cette perspective, stratégie de communication bien huilée, Dr Guy Patrick Obiang Ndong s’était vu gracieusement offrir la tribune de “lecteur” permanent du rapport quotidien de la situation épidémiologique nationale. Un exercice qui s’est arrêté dès sa nomination au gouvernement, et qui n’a jamais été confié à personne d’autre, alors que la crise sanitaire se poursuit pourtant.
Tout ceci, dans l’intention de convaincre Ali Bongo Ondimba. Chose faite puisque quelques temps seulement plus tard, le Palais du bord de mer obtenait la tête par son éviction, du Dr Max Limoukou au poste de ministre de la Santé.
Dans son bureau, en présence de ses amis, l’actuel ministre de la santé, fraîchement nommé, levait alors son verre et déclarait à la poignée de ses invités : “Ce n’est qu’un début, nous irons encore plus loin”.
Dr Max Limoukou éclipsé, le tour revient cette fois-ci au Dr Wenceslas Yaba, devenu depuis peu un sujet préoccupant pour Guy Patrick Obiang Ndong.
Le coordonnateur général du Samu Social gabonais, connu pour être d’une hyperactivité étonnante, fait naître l’agacement.
En consultant les rapports, le sang du ministre de la santé n’a dû faire qu’un tour.
Avec l’entité qu’il dirige, entre juillet 2017 et octobre 2021, Dr Wenceslas Yaba a réalisé 910 117 prises en charges gratuites sur toute l’étendue du territoire national, ce malgré les difficultés multiformes rencontrées.
De sources concordantes, Dr Guy Patrick Obiang Ndong, bien décidé à parasiter les actions de Dr Wenceslas Yaba dans l’hinterland, auraient vendu à Ali Bongo Ondimba le projet d’affectation de médecins cubains dans l’arrière pays.
Si la principale raison prétextée a été “l’éradication des déserts médicaux”, il faudrait définitivement se convaincre du contraire. L’objectif, de l’avis de certains hauts responsables du monde médical, a plutôt été celui de freiner les élans du Dr Wenceslas Yaba, à qui le ministre de la Santé reprocherait d’être “trop sur le terrain”.
Ali Bongo Ondimba séduit, ce sont au total 162 médecins cubains qui ont été ventilés à l’intérieur du pays en avril dernier. Une délégation de 52 spécialistes, 53 généralistes, 50 infirmiers spécialisés et 7 ingénieurs neurologues et biomédicaux a rejoint l’hinterland. Mais pour quel rendement et à quel prix?
Ces questions fondamentales font désormais l’objet de conversations aiguës entre médecins, non contents des préalables qui ont conduit à l’adoption de cette décision.
Le premier couac que relèvent certains observateurs de cette situation ubuesque est relatif à la barrière linguistique.
Les populations de l’arrière pays éprouvent déjà de graves difficultés à s’exprimer correctement en français, et les médecins cubains ont pour langue principale l’espagnole. Comment est-il possible dans ce contexte d’envisager une excellente communication entre populations et médecins ? Quelle pourrait être la fiabilité des consultations passées dans ces conditions ?
Par quel miracle les médecins cubains arriveront-ils à saisir correctement les populations d’Onga, de Malinga, dans la Ngounié, ou de Litseghe, à Lastourville, pour ne citer que celles-là?
De sources concordantes, l’État gabonais a dû (une fois de plus) s’impliquer pour offrir un cadre propice aux médecins cubains et s’assurer de leur excellente rémunération.
Pour y arriver, le gouvernement, via les gouverneurs, les préfets et toutes les collectivités locales, se sont bousculés. Splits et autres commodités leur ont été gracieusement offerts, alors que plus de 500 médecins et infirmiers gabonais demeurent toujours sans logements, en plus d’être durement frappés par les difficultés inhérentes à l’exercice de leur métier dans l’arrière pays.
Le Gabon est-il devenu si cruel envers ses propres agents ? Il faudrait désormais s’en convaincre.
Pour l’instant, les peaux de bananes de Dr Guy Patrick Obiang Ndong sont bien dressées, avec le concours des actuels régents du “Palais”. Dr Wenceslas Yaba tombera-t-il comme Dr Max Limoukou, avant lui ? Wait and see.