Accueil » Détention politique : « Jean Rémy Yama pourrait mourir en cellule », la grande frayeur du microcosme syndical gabonais

Détention politique : « Jean Rémy Yama pourrait mourir en cellule », la grande frayeur du microcosme syndical gabonais

Par Kongossanews

Par Stive Roméo Makanga

Interpellé puis gardé à vue le lundi 28 février dernier alors qu’il se rendait d’urgence à Dakar pour des soins médicaux, Jean Rémy Yama, le leader de Dynamique unitaire (DU) a été placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de Libreville mercredi 2 mars courant. Mais la santé de l’enseignant-chercheur serait d’une extrême fragilité ces dernières années. Ce qui pour ses comparses, fait déjà craindre le pire.

Alors qu’il se bornait à penser qu’il menait une vie de citoyen paisible, Jean Rémy Yama ignorait que sur les fichiers de toutes les coordinations de renseignements gabonais, il faisait bien partie de ceux dont l’interdiction formelle de quitter le territoire national de quelques manières que ce soit, avait déjà été marquée au rouge.

Mais cela, il l’a découvert alors qu’il tentait de rallier Dakar, principale ville sénégalaise pour des soins médicaux. Toute la surprise du syndicaliste s’est exprimée au moment où des agents du B2 (il s’agit de la Direction générale des contre-ingérences et de la sécurité militaire, l’un des principaux organes de renseignement gabonais) lui intimaient l’ordre de les suivre, menottes aux poings et passeport confisqué.  

Ainsi, l’enseignant chercheur, très connu pour ses dénonciations relatives aux injustices et inégalités sociales, a été appréhendé tel un malfaiteur…du jamais vu dans un pays dit démocratique.  

L’affaire SCI Serpentin, un dossier vide

Les accusations pour escroquerie portées contre la personne de Jean Rémy Yama viennent d’être à nouveau démontées par le Syndicat national des enseignants chercheurs (SNEC), à la faveur d’une déclaration publique tenue vendredi 4 mars courant.  

Si les médias de la présidence de la République s’activent depuis peu dans la perspective de noyer tant bien que mal Jean Rémy Yama, essayant de convaincre l’opinion sur la justesse de cette action judiciaire expéditive, il serait tout de même opportun de recentrer les faits.

L’Affaire SCI serpentin, une société civile immobilière créée par le SNEC et dont Jean Rémy Yama apparaissait comme l’un des gestionnaire, est une affaire « vide ». C’est le terme retenu à l’issue des débats lors de son traitement au Tribunal civil. Ce dernier, statuant sur le sujet, une expertise ayant permis de lever l’équivoque sur une supposée culpabilité de Jean Rémy Yama, l’avait purement et simplement classée.

Avec la détention de l’enseignant-chercheur, qui est passé au pénal pour une affaire relevant strictement du civil et pour une affaire pourtant classée, c’est une série d’interrogations qui nourrit désormais l’opinion nationale et internationale.

Que cherche-t-on ?

Aux dires de ses amis syndicalistes, lesquels ont juré à l’issue d’une réunion stratégique tenue jeudi 3 mars courant à leur quartier général d’Awendjé, d’user de tous les moyens pour libérer un des leurs, tout démontrerait que Jean Rémy Yama donnait du fil à retordre aux nouveaux régents du palais du Bord de mer.

Pour eux (et ils ont bien raison), toute la procédure a été biaisée : « Comment comprenez-vous que quelqu’un qui se rend pour des soins de santé dans un autre pays, soit appréhendé comme un malfaiteur par le B2 », s’est indigné Marc Ona Essangui.

« Au tribunal, nous avons été une trentaine à nous porter garant de Jean Rémy Yama, à la condition qu’on le laisse aller se soigner. Il ne peut pas fuir et il n’a d’ailleurs jamais fui la justice. Il a été gardé à vue dans les locaux du B2 et deux jours durant, il n’a pas eu accès à ses médicaments. Nous avons fait l’observation à nos amis du B2, qui nous ont répondu qu’ils ne connaissaient pas chez lui pour aller lui chercher ses médicaments. Il y a une volonté de l’éliminer », a-t-il dénoncé.  

« Aujourd’hui c’est Jean Rémy Yama, demain ce sera lequel d’entre nous ? », s’est interrogé Ghislain Malanda, le leader du SAMTAC. Et de proposer : « Nous ne devons pas avoir peur. Bien au contraire, nous devons nous atteler à faire libérer sans condition, Jean Rémy Yama. Sa détention est inacceptable », s’est-il insurgé, appelant les siens à des actions coordonnées contre les « bourreaux » de l’enseignant-chercheur.

Des avis concordants font état de la volonté des collaborateurs d’Ali Bongo Ondimba de mettre hors-circuit Jean Rémy Yama bien avant l’ouverture de la compagne pour la présidentielle de 2023.

Pour eux, le leader de Dynamique unitaire représenterait une menace certaine pour le pouvoir. Non pas qu’il pourrait se présenter comme candidat, mais plutôt et surtout parce qu’il pourrait mobiliser l’ensemble des cellules syndicales, et avec elles les fonctionnaires abusés par les décisions inopportunes du gouvernement, à boycotter la candidature du chef de l’Etat sortant dont la probabilité de briguer un 3e mandat est quasi certaine.   

Autre possibilité, l’enseignant-chercheur pourrait, avec la verve et l’énergie qu’on lui reconnait, appeler l’ensemble des fonctionnaires à se positionner en faveur d’un candidat de l’opposition. Un scénario que redouterait, à priori, les collaborateurs du chef de l’Etat, particulièrement zélés.

Related Articles

Laisser un commentaire