Par Stive Roméo Makanga
Le 15 juin dernier, Brice Clotaire Oligui Nguema, le président de la Transition, a fait affréter un avion médicalisé pour l’évacuation sanitaire vers la France de Brice Lacruche Alihanga, mal en point et conduit d’urgence quelques heures plus tôt au Centre Hospitalier Universitaire d’Angondjé. Déjà fébrile du fait de sa détention inhumaine à la Prison Centrale de Libreville, l’ancien directeur de Cabinet d’Ali Bongo Ondimba avait dû endurer trois procès à charge, face à des magistrats visiblement décidés à le faire plonger.
Il faut avouer, au-delà de toute supputations, que l’affaire qui a opposé Brice Laccruche Alihanga à la justice ces derniers temps a été marquée par des incohérences judiciaires qui ont suscité des questions sur la transparence et l’objectivité de la justice gabonaise. Ici comme ailleurs, chacun s’est interrogé.
D’abord, le procès a été marqué par des contradictions dans les charges, des témoignages incohérents, et des soupçons de manipulation de la justice. Ensuite, l’un des points les plus controversés du procès a été le refus de la Cour criminelle spécialisée de convoquer Ali Bongo Ondimba, l’ancien président, comme témoin clé. Cette décision a non seulement surpris l’opinion, et les questions sur les motivations derrière cette décision ont alimenté les soupçons de manipulation de la justice.
Pourtant, les avocats de la défense avaient fait la démonstration que le témoignage d’Ali Bongo Ondimba aurait pu apporter des éléments clés pour comprendre les faits et établir la vérité. Que nenni ! Les magistrats ont botté en touche.
Enfin, il y a aussi eu les Charges Contradictoires. En effet, les charges portées contre Brice Laccruche Alihanga, notamment détournement de fonds publics, complicité de détournement, concussion, et blanchiment de capitaux, avaient été jugées contradictoires par les avocats de la défense pour des raisons plausibles. Ces derniers avaient relevé que certaines des preuves présentées ne semblaient pas cohérentes avec les accusations. Aussi, cette contradiction avait conduit à des questions sur la clarté et la cohérence des charges.
Outre ce qui précède, il faudra aussi ajouter le témoignage de Noël Mboumba, l’ancien directeur de la Société gabonaise de raffinage (SOGARA), qui avait déclaré avoir été pressurisé par une juge d’instruction pour modifier ses déclarations et retirer les noms d’Ali Bongo Ondimba et Noureddin Bongo Valentin, aux fins de faire condamner Brice Laccruche Alihanga. La justice gabonaise en a-t-elle tenu compte ? Biensûr que non, au regard de la peine incohérente et excessive de 12 ans, infligée à l’ancien directeur de Cabinet d’Ali Bongo Ondimba. Quelle a donc été la motivation de la justice depuis le départ ?
Après ces épisodes, il est clair que dans la pensée collective, les incohérences judiciaires relevées plus haut ont clairement laissé transparaître les effluves de manipulation de la justice et d’impunité pour certains responsables politiques, notamment Ali Bongo Ondimba. Elles ont également mis en pointillés la capacité de la justice gabonaise à rendre des verdicts équitables et transparents. Tenant compte de son état de santé, BLA aurait donc pu bénéficier de circonstances atténuantes et ces trois procès, qu’il a dû subir dans sa chair, n’auraient jamais dû avoir lieu. Convenons qu’ils sont la principale cause de sa rechute, et de son évacuation pour la France.
Après avoir passé près de 5 années de détention arbitraire, dans des conditions inhumaines et de tortures permanentes, Brice Lacruche Alihanga a été poursuivi jusque sur son lit d’hospitalisation par des magistrats résolus à en faire une victime expiatoire.
D’ailleurs, dans un rapport du Conseil des Droits de l’homme produit en décembre 2020, le groupe de travail sur la détention arbitraire commit à cet effet révélait des faits assez gravissimes. « Le groupe de travail demande instamment au gouvernement de libérer immédiatement les cinq personnes concernées et de veiller à ce qu’elles reçoivent le traitement médical nécessaire. Compte tenu des risques pour la santé de ces cinq personnes, le groupe de travail a décidé de soumettre le présent cas à la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible », peut-on lire à la page 13.
Des formulations identiques, présentées sur deux pages entières du rapport, mais qui ont été volontairement ignorées par la justice. Les tortures physiques et psychologiques sur la personne de Brice Laccruche Alihanga ont donc été profondes. Nonobstant cet état de fait, les magistrats ont choisis par le truchement des audiences à répétition, de saper encore et un peu plus l’état de santé de l’ancien collaborateur d’Ali Bongo Ondimba.
Ironie du sort, les mêmes qui l’ont envoyé dans cet odieux goulag ont tous été interpellés puis placés en détention préventive. Ce qui emmène plus d’un à s’interroger sur les réelles motivations de la justice.