Par Stive Roméo Makanga
Le dossier Karpowership, qui fait aujourd’hui couler beaucoup d’encre et de salive, alimentant le débat public, semble révéler des pratiques de gestion douteuses au sein de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG), sous la direction du tristement célèbre Joël Lehman Sandoungout. Ce dernier se retrouve impliqué dans un vaste scandale financier (c’est peu de le dire), orchestré autour du contrat controversé avec la société turque Karpowership, un contrat qui pourrait bien s’avérer désastreux pour les finances publiques gabonaises.
Selon des sources crédibles, Joël Lehman Sandoungout aurait accepté, avant même la signature du contrat avec Karpowership, une invitation en Turquie, tous frais payés, pour “inspecter”, soit disant, le bateau qui devait fournir de l’électricité à Libreville. Derrière ce prétexte, la réalité semble bien plus sombre : l’ancien patron de la SEEG aurait reçu des instructions pour précipiter la conclusion d’un contrat dont les implications financières colossales risquaient de plonger la SEEG, et indirectement l’État gabonais, dans une situation critique.
De source très sûre, Joël Lehman Sandoungout aurait agi sous les directives non clarifiées d’une mystérieuse autorité, qui aurait exigé la signature du contrat avant même que le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, ne soit informé des détails de l’accord. C’est en tout cas ce qu’il aurait déclaré lors de son audition à la Direction Générale des Recherches (DGR).
La question qui brûle les lèvres est simple : de qui proviennent ces instructions et pourquoi un dossier d’une telle importance a-t-il été traité dans l’urgence, sans concertation préalable avec les plus hautes autorités ?
En réponse aux accusations, Joël Lehman Sandoungout aurait tenté de se dédouaner, en affirmant qu’il avait reçu des instructions claires de la part du ministre de l’Énergie pour participer aux négociations. Vérité ou mensonge ? Seul le concerné pourrait en dire plus.
Cependant, il aurait également mis en avant une “garantie souveraine de l’État”, tout en invoquant les ministres de l’Économie et du Budget comme co-responsables de cette affaire. Cependant, cette ligne de défense paraît bien fragile face aux chiffres colossaux qui entourent ce contrat.
Il faut dire que le contrat “Libreville Sud” portant sur la fourniture de 150 MW par Karpowership s’élève à une facture mensuelle astronomique de 12 à 13 milliards de francs CFA. Ce montant, qui représente l’équivalent du chiffre d’affaires total de la SEEG, aurait dû être versé chaque mois pendant cinq ans. Un fardeau financier insoutenable pour l’entreprise, dont les finances étaient déjà fragiles. Selon un cadre de la SEEG qui a requis l’anonymat, l’ensemble du processus évoqué en sus aurait été conçu pour écarter la société Aggreko, dont le contrat devait être renouvelé en mars 2025, afin de la remplacer par Karpowership, malgré une offre bien plus coûteuse.
Il faut avouer que plus qu’un simple contrat, cette signature représente une trahison des intérêts nationaux, signée précipitamment et sans transparence. Pire encore, le contrat aurait été finalisé de manière opaque, en pleine nuit, et célébré de façon ostentatoire lors d’une soirée au Radisson Blu.
Si pour ses proches, Joël Lehman Sandoungout n’est qu’une victime des pressions ministérielles, son rôle dans cette affaire demeure central. En tant que dirigeant de la SEEG, il avait l’obligation de défendre les intérêts de l’entreprise et de prévenir les autorités de la Présidence de la République sur les risques évidents liés à ce contrat déséquilibré. Mais il ne l’a pas fait. En se “contentant” de valider cette opération, il s’est compromis et a entraîné la SEEG dans une spirale financière dont elle pourrait avoir du mal à se relever.
Ce que nous avons choisi d’appeler “SEEG gate” rappelle étrangement les pratiques d’une époque que l’on croyait révolue, où les décisions économiques étaient prises au détriment de la population, au profit de quelques-uns. Alors que le pays tente de restaurer la dignité et la transparence sous l’égide de la transition actuelle, cette affaire ternit gravement l’image de l’administration et questionne la responsabilité de ceux qui, au sommet de l’État, auraient dû veiller à la préservation des intérêts publics.
Ce nouveau scandale n’est pas qu’une simple affaire de mauvaise gestion. Il révèle un système vicié, où les jeux de pouvoir et les complicités ministérielles semblent primer sur les intérêts de la nation. Joël Lehman Sandoungout, en acceptant de valider ce contrat inique, se retrouve aujourd’hui au cœur d’un scandale qui risque de secouer durablement le secteur énergétique gabonais.
En fouillant un peu plus, l’on découvre aussi que cette affaire est loin d’être la seule. En effet, sur la question de l’attribution de marchés relatifs à la fourniture de compteurs à la SEEG, Joël Lehman Sandoungout a également après un audit interne fournisseur, choisi de renouveler le contrat d’ECOREF, entreprise qui n’était à ce moment-là ni inscrite à la TVA, ni à la CNSS, ni à la CNAMGS, mais qui a pourtant perçu des milliards de francs CFA pour ses prestations. L’ancien patron de la SEEG avait validé des factures aux montants pharaoniques, pour des compteurs jugés douteux et peu crédibles par certaines unités de contrôle de l’entreprise.
Face à ce qui précède, il appartient désormais aux autorités compétentes, et notamment au Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, de faire toute la lumière sur ce dossier et de prendre des mesures pour éviter que de telles dérives ne se reproduisent à l’avenir. Le peuple gabonais, pour qui l’énergie est une question vitale, attend des réponses claires et des sanctions exemplaires.