Affaire Opiangah : quand l’arbitraire supplante l’État de droit
Par Stive Roméo Makanga
Dans les limbes d’une justice gabonaise qui vacille entre impartialité prétendue et influences obscures, l’épilogue provisoire de l’affaire Hervé Patrick Opiangah révèle, sinon un dysfonctionnement structurel, au moins une perversion alarmante des principes élémentaires de l’État de droit. La décision rendue récemment par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Libreville, écartant la demande de non-lieu à l’égard de l’ancien ministre des Mines, soulève des interrogations légitimes sur les motivations réelles d’une telle posture.
En effet, les magistrats, sous la houlette d’Ulric Arnol Nzoundou Bignoumba, ont prétendu fonder leur rejet sur l’absence d’audition d’Hervé Patrick Opiangah par le juge d’instruction. Une raison qui, à première vue, pourrait sembler légitime, mais qui s’effondre dès que l’on gratte le vernis d’une argumentation factice. En droit, une mise en cause repose sur des indices graves ou concordants attestant de la participation présumée à des faits répréhensibles. Or, dans ce dossier, ni preuves matérielles ni indices sérieux n’ont été présentés. Pis, la victime supposée — sa propre fille — a publiquement démenti les accusations.
Si la justice se devait d’être forte et indépendante, comme l’a si souvent réclamé le président Brice Clotaire Oligui Nguema, cette affaire reflète un tableau bien plus sombre. La chambre d’accusation, au lieu de s’élever au-dessus des querelles partisanes et des influences occultes, semble s’être enlisée dans un exercice hasardeux d’équilibrisme judiciaire. Les contradictions sautent aux yeux : un dossier dépourvu de fondement, des délais procéduraux ignorés et une plainte rejetée par la principale intéressée, Élisabeth Opiangah, remplacée dans le rôle de victime par une justice devenue juge et partie.
L’énième rebondissement de cette saga judiciaire témoigne d’une tentative manifeste de faire durer un procès sans objet, au prix d’une interprétation cynique des lois. En déclarant que la non-présentation d’Hervé Patrick Opiangah devant le juge suffisait à maintenir les poursuites, les magistrats de la chambre d’accusation révèlent une logique séditieuse, incompatible avec une administration saine et impartiale de la justice.
Face à cet acharnement judiciaire, les avocats de HPO se tournent vers des juridictions internationales, notamment la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Si cette dernière venait à donner raison à l’homme d’affaires, cela pourrait porter un coup dévastateur à la crédibilité d’une justice gabonaise déjà vacillante. Le Gabon, qui aspire à redorer son image à l’échelle internationale, ne saurait prospérer avec des institutions prises en otage par des intérêts particuliers.
L’affaire Opiangah est bien plus qu’une question judiciaire ; elle est un symptôme. Symbole d’une gouvernance à redéfinir et d’un appareil étatique rongé par les luttes de pouvoir, ce dossier devrait interpeller au plus haut sommet de l’État. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a promis de restaurer l’État de droit, devra affronter cette épreuve avec détermination s’il souhaite éviter que cette affaire ne devienne l’emblème du naufrage institutionnel gabonais.
La justice, cet idéal fragile, ne se construit pas sur des fondations de sable mouvant. L’heure est venue pour le Gabon de choisir entre un avenir dicté par le droit et un présent enfermé dans les travers du non-droit.
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