Propos recueillis par Stive Roméo Makanga
Hervais Omva, l’ingénieur agronome et coordinateur des activités de l’ONG IDRC Africa s’est ouvert à nous dans une interview exclusive, en rapport avec le déménagement des entreprises Olam et Arise, vendus à cor et à cri par la Société civile. Sans langue de bois, il donne son avis sur la question.
Kongossanews: Pouvez-vous nous décrire la nature des relations entre l’État gabonais et les groupes Olam et Arise ? Sont-elles réellement tendues comme le laisse entendre certains membres de la société civile ?
Hervais Omva: À cette question, je ne pense pas que ce sont des relations qui doivent être tendues. Olam et Arise sont des investisseurs qui ont prouvé ces 14 dernières années tout ce qu’ils étaient capables de faire. Et je considère que s’il y a des manquements, il faudrait préalablement se poser la question de savoir si ceux-ci relèvent du gouvernement antérieur ou de l’investisseur. Pour ma part, s’il y a des manquements, ils relèvent plutôt des gouvernements antérieurs. Avant de faire la chasse à Olam ou Arise, il est important que l’actuel gouvernement ou le CTRI convoque les différents ministres qui ont géré ces différents dossiers. À quelque chose près, dans les différents ministères, ce sont les mêmes fonctionnaires qui sont encore là. Ce sont les mêmes chargés d’études qui étaient conseillers ou directeurs généraux, et qui sont encore là. Donc, il est important que l’on convoque ces gens, et ce d’autant que nombreux sont ceux qui sont encore aux affaires, qui ont été reconduits par le CTRI et certains sont encore conseillers du président de la Transition.
C’est en ce sens qu’il est important que le CTRI, le président et l’actuel gouvernement convoque l’ensemble des acteurs pour discuter, faire le point et voir ce qui n’a pas marché pour qu’éventuellement on arrange, et voir ce qui a marché pour que nous pouvons continuer dans ce sens. Telle est la démarche à suivre.
Je fais partie de cette société civile qui dit “non, attention!”. Le Groupe Olam et Arise en 14 ans ont créé plus d’emplois et ont ouvert les portes de l’industrialisation au Gabon, bien plus que certaines entreprises qui sont installées chez nous depuis les indépendances. Prenons l’exemple du secteur du bois. Il a fallu qu’Olam arrive pour que la transformation du bois soit effective au Gabon. Pendant combien d’années les sociétés installées ici sortaient les grumes ? Où était cette société civile pour protester ? Il a fallu que des ONGs telles que l’Observatoire de la démocratie de Dieudonné Minlama Mitogho, ou Brain Forest de Marc Ona Essangui, et IDRC Africa et d’autres ONGs se lèvent pour ramener Olam et Arise à de meilleures pratiques. C’est ce qui nous a permis d’avoir tout ce que nous avons aujourd’hui dans le secteur de l’industrialisation. Je comprends mes frères et amis de la société civile, mais je pense qu’il faut aller plus loin. C’est pourquoi je me permettrais d’interpeller mon frère et ami Georges Mpaga avec qui nous avons discuté à l’époque sur un certain nombre de dossiers et pour lesquels nous avons même été menacés. Mais il faut reconnaître que c’est Olam et Arise qui avait accepté de discuter avec nous à cette époque-là et d’améliorer un certain nombre de choses. Nous avons aujourd’hui la zone économique de Nkok qui est un exemple.
Vous savez, même dans une relation amoureuse traditionnelle, il y aura toujours quelques frictions entre l’homme et la femme. Mais il serait maladroit de mettre le tort sur un seul partenaire. Dans le cas qui fait l’objet de notre discussion, je considère que les torts sont partagés. Lorsque l’investisseur est arrivé au Gabon, il n’a rien imposé. Ce sont les gabonais qui, avec leur facilité, ont plongé dans le non respect d’un certain nombre de cadre, ce malgré les interpellations que nous avons faites à l’époque. Je pense que le tout peut se discuter autour d’une table. Le gouvernement Gabonais d’aujourd’hui a une certaine vision et celle-ci devrait être respectée par le partenaire Arise ou Olam.
Selon vous, les critiques de la société civile sur le non-respect des droits des travailleurs et des normes environnementales sont-elles justifiées ? Que répondez-vous à ces allégations ?
En ce qui concerne le travailleur, il faut savoir que depuis que nous parlons de la convention collective dans le secteur agricole ou dans le secteur forestier, ce dernier ne relève pas de la compétence d’une tierce entreprise. C’est plutôt à l’État gabonais de mettre en place un cadre qui réponde aux normes. C’est de la responsabilité de l’État gabonais et il faut que nous le sachions. À Nkok, il y a une direction du Ministère du Travail, avec des inspecteurs du travail. Si ces derniers ne font pas leur travail, pourquoi s’en prendre à l’employeur ? Je pense que nous sommes maladroits et l’image que nous envoyons au monde, en nous attaquant à Arise qui est installé partout en Afrique, est une très mauvaise image pour le Gabon. Vous ne pouvez pas inviter des investisseurs en chassant d’autres investisseurs. Et lorsqu’on sait qu’Arise est installé au Congo Brazzaville, en RDC, au Cameroun, en Côte d’Iivoire, au Nigéria, au Ghana et un peu partout dans le monde. C’est maladroit de mettre le chef de l’État et le CTRI dans cette impasse. Un petit groupuscule de personnes, comme d’habitude, cherche à régler des comptes à gauche et à droite. Cependant, nous devons regarder l’intérêt national et à partir de là, nous trouverons des solutions adaptées et durables.
La société civile appelle à un “dialogue franc et sincère” entre l’État et ces groupes. Quels en seraient les objectifs et les modalités selon vous?
Le tout n’est pas de répondre aux inquiétudes de la société civile. Il est question que l’État gabonais s’assied avec son partenaire Arise, avec la perspective de mettre en place un cadre transparent qui permette à notre pays de bénéficier encore plus des ressources et de l’expertise de son partenaire. N’oublions pas que le Gabon souffre d’un gros problème, celui du chômage. Or, nous avons en face de nous un partenaire qui est installé dans une vingtaine de pays africains, qui crée des milliers d’emplois dans plusieurs secteurs et qui est déjà installé chez nous, qui pourrait par cette bonne relation apporter encore plus au gouvernement gabonais. Voilà où est toute la question. On n’est pas dans un procès . Et s’il y en avait un, ce serait celui des anciens dirigeants. Ce sont eux qui n’ont pas été des patriotes. S’il y a des soucis aujourd’hui c’est bien parce que beaucoup ont pensé à leurs intérêts personnels.
Nous avons besoin d’investisseurs et Arise en est un, qui a beaucoup d’investissements dans notre pays et qui salarie beaucoup de gabonais.
Monsieur Omva, une note de conclusion peut-être ?
Je conclurai en disant qu’il nous faut faire très attention. J’ai comme l’impression qu’au Gabon nous ne sommes pas très conscients des réalités et que les uns et les autres veulent faire de la politique qu’autre chose. Olam et Arise sont de puissants employeurs dans notre pays, et nous avons déjà d’un côté une grande partie de la population qui n’a pas d’emploi. Si les manigances de certains mettent à genoux le partenaire, il est clair que celui-ci s’en ira, avec tous les effets que cela comporte: des milliers de personnes au chômage. Avant de démanteler un partenaire, cherchez d’abord à créer de l’emploi.