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Oyima trouve les bureaux du Ministère de l’Économie trop vieux et travaille depuis BGFI 

Par Stive Roméo Makanga

C’est une situation qui ne passerait pas inaperçue dans une démocratie apaisée. Henry Claude Oyima, nommé ministre de l’Économie le 5 mai dernier dans le gouvernement du président Brice Clotaire Oligui Nguema, cultive un double rôle pour le moins dérangeant. Alors qu’il est censé incarner la rigueur financière de l’État, l’homme s’accroche comme un enfant gâté à ce qui pourrait être justement considérée comme sa console de jeu : la présidence du groupe BGFIBank. Un cas d’école de conflit d’intérêts qui interroge sur les véritables engagements du pouvoir en matière de transparence.

Un pantouflage à l’envers

D’ordinaire, le pantouflage désigne le passage du public au privé. Henry Claude Oyima, lui, invente le concept inverse : cumuler les deux. Comment peut-on, sans sourciller, piloter la politique économique nationale tout en gardant la main sur l’une des plus grandes banques du pays ? La question n’est pas rhétorique. Elle touche au cœur de la probité que le président Brice Clotaire Oligui Nguema, également chef du gouvernement selon la nouvelle Constitution, prétend exiger de son équipe.

Selon nos informations, Henry Claude Oyima refuse catégoriquement d’abandonner son poste à la tête de BGFIBank. Pire : il administre les affaires de l’État depuis les luxueux bureaux de l’établissement bancaire, snobant ceux  (jugés « vétustes » ) du ministère de l’Économie et des Finances. « Il trouve les locaux de la République indignes de son rang », confie, sous couvert d’anonymat, un conseiller spécial à la présidence. Le symbole est accablant.

Une autre source indique qu’Henry Claude Oyima, trouvant son nouveau lieu d’affectation trop moche, aurait engagé des travaux de réfection qui s’élèveraient à près de 200 millions de francs CFA. Ils seraient donc en cours. Incroyable !

Imaginons un instant. Le ministre prend une décision sur la régulation bancaire. Agit-il en serviteur de l’État ou en patron soucieux des intérêts de sa banque ? Fixe-t-il les taux d’imposition des établissements financiers en toute neutralité ? Ces questions ne relèvent pas de la spéculation, mais de l’éthique la plus élémentaire.

En droit français (dont s’inspire largement le Gabon), un tel cumul serait impossible. À Washington par exemple, un secrétaire au Trésor qui garderait ses actions dans une institution financière importante déclencherait un tollé. Mais à Libreville, visiblement, les règles sont plus… flexibles. Et tout ceci paraît normal. Dans quel type de République sérieuse vit-on ?

Le numéro Un gabonais a pourtant martelé sa volonté de « rupture » avec les pratiques opaques du passé. Lors d’une de ses allocutions, il insistait sur « l’exemplarité comme fondement de la nouvelle gouvernance ». Soit. Mais que vaut ce discours quand un de ses ministres emprunte les ors de la banque pour diriger les finances publiques ?

Certains, dans l’entourage présidentiel, commencent à s’agiter. « Cette situation ne peut pas durer », murmure-t-on au palais. D’autres, plus cyniques, évoquent des « réalités gabonaises » qui imposeraient des compromis. Compromis ? Le terme est faible. Il s’agit plutôt d’une entorse flagrante à l’éthique républicaine.

Le syndrome du « ministre-banquier »

Henry Claude Oyima n’est certes pas le premier à jouer sur les deux tableaux. Mais son cas est d’autant plus criant qu’il survient dans un contexte de prétendue « refondation ». Comment croire à la moralisation de la vie publique quand ceux qui font les lois peuvent aussi les contourner ?

Le président de la République a une occasion simple de prouver sa détermination : exiger la démission de son ministre de ses fonctions bancaires. Ou, à défaut, le remercier. À moins que, derrière les grands principes, ne se cachent les vieilles habitudes.

La balle est dans son camp.

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