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Concours de la police : les six officiers disculpés toujours suspendus. Quelles en sont les raisons ?

Par Kongossanews

Par la Rédaction

Le 26 février 2024, à travers une note largement relayée sur
les réseaux sociaux et dans les médias, le commandant en chef
des forces de police nationale, le Général de division Serge
Hervé Ngoma, avait suspendu et mis en résidence surveillée
pour une durée d’un mois six officiers de ce corps dont le
lieutenant-colonel Guy Sylvain Meye M’Owono, les
commandants Ange Junior Nzoghé Aboghé, Aïcha P.
Moussavou Ouedraogo, Linda Manzou Nzikouet et les
capitaines Arnoh J. Manfoumbi Boussougou et Hunelle
Prescillia Diavou M’bola.
La hiérarchie policière reprochait notamment à ces officiers
d’être impliqués dans « les failles constatées lors de
l’organisation du concours d’incorporation dans les Forces de
Police Nationale et la divulgation des documents
confidentiels, via les réseaux sociaux. »
La même note, prise en application des dispositions de la loi
n°030/2020 du 24 décembre 2020, mettait ces officiers à la
disposition de l’inspection générale des forces de police
nationale, en attendant les conclusions de l’enquête diligentée
par cet organe disciplinaire.

Cependant, ce dossier vient de connaitre un nouveau
rebondissement. Vingt jours après l’expiration du délai d’un
mois arrêté par le commandant en chef him self, en vue de
faire la lumière sur cette affaire, il ressort que les six officiers
incriminés n’ont toujours pas repris le service alors même que
les conclusions de l’enquête rendues en leur faveur par
l’inspection générale se trouveraient depuis plus de deux
semaines sur la table du Ministre de l’intérieur, Hermann
Immongault, ainsi que celle du Commandant en chef, le
Général Ngoma Serge Hervé.
Selon plusieurs sources proches du dossier contactées à
l’inspection générale, au ministère de l’intérieur et au
commandement en chef, il apparait que l’inspection générale
après les différentes auditions aurait disculpé les six officiers
suspendus pour tous les chefs d’accusation dont ils faisaient
l’objet. Il ressort à ce sujet que ces officiers ne faisaient plus
partie de l’équipe de gestion du recrutement depuis novembre
de l’année dernière et n’étaient pas impliqués dans la
publication sur les réseaux sociaux du document comparant
les anciennes listes et les listes querellées. Ce document ayant
été élaboré par les candidats recalés eux-mêmes pour tenter de
dénoncer les fraudes et les irrégularités constatées.
L’on comprend aujourd’hui que le seul crime que ces six
officiers ont commis est d’avoir voulu travailler dans la
transparence totale. La population se souviendra que ce sont
ces mêmes officiers qui ont publié les premières listes des
admissibles, après les épreuves écrites et sportives. Des listes

qui n’ont jamais été contestées par les candidats. Car, celles-ci
étaient plus ou moins bien établies et comportaient toutes les
indications des candidats par province, catégorie, sexe et la
mention faisant référence à la note obtenue. Un travail
remarquable qui n’était pas apprécié par certains policiers
tapis dans l’ombre.
Au vu de ce qui précède, l’instance disciplinaire de la police a
donc recommandé au commandant en chef la réhabilitation
sans condition des six officiers dans leurs différents services.
D’autre part, les services chargés de ladite enquête auraient
proposé la prise de sanctions appropriées à l’encontre des
auteurs de ce cafouillage, finalement identifiés et actuellement
en fonction au commandement en chef.
Mais, le Général Ngoma Serge Hervé qui se sait en difficulté
pour avoir désigné trop vite et maladroitement les coupables
de ce chaos, alors que le ver est toujours dans le fruit, peine
aujourd’hui à mettre en exécution les recommandations de
l’Inspection générale qu’il a lui-même saisie le 26 février

  1. Une attitude qui interroge sur les vrais mobiles ayant
    motivé sa décision, lorsqu’on sait qu’on ne peut vouloir d’une
    chose et son contraire. Mieux, le 10 janvier dernier au cours
    d’une cérémonie présidée par le général Ngoma à la fopi, les
    officiers suspendus avaient reçu chaleureusement des lettres
    de félicitations signées par l’autorité policière pour le travail
    remarquable abattu dans le cadre de ce recrutement.

Dans le contexte actuel, les mêmes sources affirment qu’il est
nécessaire de se tourner vers le général Mbele Fernande,
commandant en chef en second chargé de l’organisation et des
personnels, qui dit-on aurait géré avec une nouvelle équipe
choisie par ses soins les étapes de l’enquête de moralité, des
examens médicaux et de la confection des listes contestées par
les populations. Etapes à partir desquelles le désordre s’est
installé.
Pour tenter de comprendre les raisons de ce blocage,
notamment le volteface du général Ngoma dans cette affaire,
notre rédaction a mené une enquête auprès des spécialistes du
droit et des ressources humaines qui ont relevé plusieurs
imbroglios dans la gestion de ce dossier. Des vices de formes
et de procédures qui remettent plutôt en question le bienfondé
de la note prise par le Commandant en chef le 26 février 2024,
notamment sur les points suivants :
L’abus de pouvoir :
D’une part, dans sa décision du 26 février dernier, le
Commandant en chef de la police s’est appuyé sur les
dispositions de la loi n°030/2020 du 24 décembre 2020. Ce
qui, à la lecture de ce document, justifierait la suspension de
fonction par mesure conservatoire et l’assignation en résidence
surveillée dont font l’objet les six officiers. Or, après
consultation de la loi susvisée laquelle porte modification des
articles 140, 240, 241 et 242 de l’Ordonnance n°013/PR/2010
du 25 février 2010 portant statut particulier des personnels des

Forces de Polices Nationale, et dont nous nous sommes
procuré copie, il ressort que cette loi ne traite pas de la
question de la « suspension de fonction par mesure
conservatoire ». Vu sous cet angle, cette suspension de
fonction ne repose donc sur aucune base légale, car elle n’est
pas prévue par cette loi. En l’espèce, il y a eu soit une
mauvaise lecture des textes soit une volonté de maquiller la
mesure de suspension tout en sachant qu’elle n’est pas
encadrée par le texte visé.
D’autre part, en ce qui concerne leur assignation en résidence
surveillée, cette mesure prévue par l’article 143 de la loi
n°043/2018 du 05 juillet 2019 portant Code de Procédure
Pénale est une peine judiciaire, alternative à la prison,
prononcée par un juge dans « […] les cas où un inculpé ou un
accusé est laissé où mis en liberté provisoire […] ». « Le Juge
d’Instruction ou la juridiction compétente peut lui assigner
pour résidence un lieu d’où il ne doit pas s’éloigner, jusqu’à
décision définitive, sans autorisation expresse du Juge ou de la
juridiction ». En d’autre terme, le juge peut ordonner à cette
personne de rester vivre dans le périmètre d’un territoire
donné, voire son domicile, en limitant strictement sa liberté de
circulation. Cependant, en décidant de les assigner en
résidence surveillée, le Commandant en Chef a outrepassé
maladroitement ses prérogatives de chef militaire, en
s’arrogeant les pouvoirs dévolus au seul juge d’instruction.
L’atteinte à la vie privée :

L’analyse de la note signée du commandant en chef démontre
également que l’autorité policière a porté atteinte à la vie
privée des six officiers.
En effet, l’article 2 de la note sus référencée précise que ces
derniers sont mis à la disposition de l’Inspection générale des
forces de police nationale, pour enquête à la suite failles
constatées lors de l’organisation du concours d’intégration
dans la police et de la divulgation des documents
confidentiels, via les réseaux sociaux.
Cet article viole maladroitement les dispositions de la
Constitution de la République Gabonaise qui dans son article
1er proclame que « tout prévenu est présumé innocent jusqu’à
l’établissement de sa culpabilité à la suite d’un procès régulier
offrant des garanties indispensables à sa défense ». Au regard
de ce qui précède, la Constitution assure donc une protection
contre l’arbitraire de l’Etat et consacre des garanties pour les
libertés de la personne humaine. Or, la note querellée porte à
l’endroit de ces officiers, des accusations non prouvées. Car,
les faits qui leur étaient reprochés ne pouvaient être qualifiés
en droit et sur le plan disciplinaire qu’en vertu d’une enquête
administrative diligentée par une autorité compétente. Mieux,
l’Inspection générale chargée de ladite enquête aurait même
disculpé ces officiers. Toute chose qui remet un peu plus en
cause la légalité de cette mesure.
Le détournement de procédure :

Nos sources nous révèlent, par ailleurs, que le 23 février
dernier, le ministre de l’intérieur a présidé au commandement
en chef une réunion à laquelle étaient conviés le directoire de
la police et les policiers qui ont en charge la gestion du dossier
du recrutement, afin de tenter de comprendre les causes ayant
conduit à la contestation des listes des admis. Non convaincu
par les explications à lui fournies par le commandement en
chef, il aurait instruit l’inspecteur général d’ouvrir une
enquête. Contre toute attente, le lundi 26 février, le général
Ngoma va alors prendre une décision de suspension visant
particulièrement les six officiers, sans que l’autorité de tutelle
ne soit informée de sa démarche.
Il va préciser que ces officiers sont impliqués dans les « failles
constatées lors de l’organisation du concours d’intégration
dans les Forces de Police Nationale et à la divulgation des
documents confidentiels, via les réseaux sociaux. »
En qualifiant les faits de son propre chef, le général Ngoma se
rend fautif de détournement de pouvoir ou de procédure. En
effet, ne pouvant être juge et partie, ce dernier a utilisé un
pouvoir ou une procédure dont il ne disposait, ce afin de
donner une orientation tendancieuse à l’enquête diligentée par
l’inspection générale, sur instructions du Ministre de
l’Intérieur. Aucune preuve matérielle visant à confondre ces
officiers n’a d’ailleurs été apportée à ce jour.

Mieux, l’autorité policière a violé les dispositions de l’article
93 de l’Ordonnance n°013/PR/2010 du 25 février 2010 portant
Statut Particulier des Personnels des Forces de Police
Nationale qui stipulent pourtant que « Les Forces de Police
Nationale sont tenues d’assurer la protection du policier contre
les menaces, les injures, voies de fait, les diffamations et
outrages dont il pourrait être victime dans l’exercice ou à
l’occasion de l’exercice de ses fonctions, sans préjudice de
l’application des textes en vigueur en matière pénale. »
Or, dans le cas d’espèce, le commandant en chef a
délibérément exposé à la vindicte populaire ces officiers, une
situation qui tend à ternir leur carrière, leur image et celle de
leurs familles respectives.
La divulgation illégale et volontaire des données à caractère
personnel :
La divulgation sur les réseaux sociaux et dans les médias du
document comportant leurs grades, noms et prénoms ainsi que
leurs numéros de matricule solde, alors même que cette note
n’a jamais fait l’objet d’affichage ou de publication officielle,
viole de manière flagrante les dispositions de la loi
n°001/2011 du 25 septembre 2011 relative à la protection des
données à caractère personnel.
En effet, l’article 64 de la loi visée ci-haut stipule que le «
traitement des données à caractère personnel est confidentiel.

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