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Noël Mboumba : petite synthèse du Gabon en pleine transition

Par Stive Roméo Makanga

Dans sa villa de la Cité des ailes, tout détendu, Noël Mboumba, une figure bien connue de l’administration gabonaise et du secteur pétrolier sous l’ère d’Ali Bongo Ondimba, nous a accordé un entretien exclusif, où il revient tout naturellement sur son riche parcours universitaire et professionnel, ses réflexions sur la situation actuelle du Gabon, ainsi que ses perspectives pour l’avenir du pays.

Originaire du Gabon, Noël Mboumba a effectué ses études supérieures en France, décrochant un BTS, une maîtrise en sciences de gestion, et un diplôme de l’École des Hautes Études Commerciales. Côté professionnel, sa carrière débute chez Total à Paris avant de le ramener au Gabon, où il occupe divers postes clés, notamment à la BICIG, Perenco, Maurel & Prom, et SOGARA. Pour ne citer que ces entreprises.

Puis, sa carrière politique démarre lorsqu’il est appelé à intégrer le gouvernement en tant que ministre délégué aux Finances et au Budget, avant d’occuper des portefeuilles stratégiques comme le ministère du Pétrole et des Mines. Aujourd’hui, il est fondateur du cabinet de consulting C++ et haut cadre au ministère du Budget et des Comptes publics.

Sur la réforme constitutionnelle adoptée à une large majorité, Noël Mboumba estime qu’elle reflète « la volonté exprimée par l’écrasante majorité des populations ». Selon lui, cette réforme corrige des incongruités héritées de l’ancienne constitution et s’inscrit dans une dynamique plus inclusive et respectueuse des traditions gabonaises.

« Le peuple gabonais s’est prononcé à plus de 90% pour cette nouvelle constitution. Ce qui prouve à suffisance que l’écrasante majorité des gabonais était d’accord que nous puissions passer à une nouvelle constitution, parce que l’ancienne présentait beaucoup d’incongruités par rapport à nos traditions ou à nos cultures. Le président n’a fait qu’entériner la volonté exprimée par l’écrasante majorité de nos populations » a-t-il indiqué

L’ancien ministre salue également le toilettage de la liste électorale, tout en soulignant que l’ancien fichier présentait des failles, notamment l’inclusion de personnes décédées et l’absence de primo-votants. Pour Noël Mboumba, cette réforme est cruciale pour permettre à tous les Gabonais de participer pleinement à la vie politique, conformément à l’esprit du Dialogue National Inclusif.

Cependant,l’ancien membre du gouvernement reconnaît les progrès réalisés sous la transition pilotée par le président, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema. De son point de vue, le Gabon est en pleine transformation, avec des projets d’envergure dans les neuf provinces. Parmi les réalisations, il cite la rénovation de la Cité de la Démocratie et la construction de la Cité Émeraude, des infrastructures qui renforcent les capacités administratives et économiques.

« Paris ne s’est pas fait en un jour. Il faut voir le verre à moitié plein, qu’à moitié vide. Sauf à être aveugle ou à faire preuve de cécité exacerbée pour ne pas reconnaître les avancées qui ont été initiées par le CTRI et par le gouvernement qui a été mis en place depuis le 30 août 2023. Le Gabon entier est en chantier quand on va dans les 9 provinces. Le président a alloué dans les 9 provinces une dotation de 7 milliards de francs CFA et on le voit de manière tout à fait tangible les évolutions de chantiers », relève-t-il.

Pour Noël Mboumba, ces chantiers témoignent de l’engagement des autorités à redonner espoir à la population. Aussi, invite-t-il à faire preuve de patience et de confiance envers le président de la Transition.

Concernant le franc CFA, Noël Mboumba met en exergue la nécessité d’accroître les devises de la zone CEMAC, notamment en exportant des produits transformés plutôt que des matières premières. Il plaide pour une transformation locale des ressources naturelles, citant l’exemple du fer de Bélinga et du manganèse.

« L’avenir du franc CFA c’est la conséquence de la situation économique et monétaire de notre pays, de nos pays, du moins les six états de la CEMAC. Parce que derrière il y a une règlementation de change qui a été mise en place pour permettre à ce que la zone CEMAC puisse avoir suffisamment de devises. Et comment on les obtient ? On obtient ces devises, c’est-à-dire les euros ou les dollars, en exportant nos matières premières, sinon nos produits transformés. Et pour ce qui est de notre région, nous exportons des matières comme le bois, le pétrole, le manganèse, le fer, l’huile de palme etc. C’est ce qui nous permet d’avoir des devises. Ces dernières nous permettent par la suite de racheter des produits pharmaceutiques, des produits alimentaires, pétrolier…ce qui est curieux pour notre sous-région parce que dans notre sous-région la plupart de pays sont producteurs de pétrole. Donc l’idée derrière pour conforter cette union monétaire au niveau de l’Afrique centrale, il faut renflouer les devises. Il y a deux approches qui ont été mises en place » souligne l’ancien ministre.

Et : « D’abord, les sociétés extractives, donc les sociétés de minerais et les sociétés pétrolières puissent garder au niveau de la CEMAC, une bonne partie des provisions pour remise en état des sites. Et ce sont des montants importants, qui permettent d’avoir des devises dans les comptes séquestres. Parce que ce sont ces devises qui donnent la vitalité et la vigueur à notre union monétaire. Derrière cela, il faut ajouter la transformation de notre économie. Tant que nous produirons des produits qui sont vendus en l’état, je pense au fer de Bélinga, je pense au fer de Milingui, je pense au manganèse. Au niveau du manganèse il y a eu une avancée avec la production du ferromanganèse, donc sur place une partie du manganèse est transformée en ferromanganèse, qui permet de le vendre à un meilleur coût. Et donc pour le fer il faut faire la même opération, c’est-à-dire faire une première ou une deuxième transformation en alliage de fer qui sera plus rentable et qui aura plus de valeur ajoutée, au lieu de le vendre dans son état actuel. Il faut le rappeler, nos produits comme le fer sont des minerais polymétalliques donc lorsqu’on prend un bloc, il y a plusieurs minerais à l’intérieure. Il peut y avoir du zinc, du plomb, même de l’or ou du diamant ».  

Il milite également pour une agriculture et un élevage plus autonomes, afin de réduire les importations alimentaires et conserver les devises.

« Derrière aussi, il faut que nous puissions développer en parallèle, des activités qui nous permettrait d’éviter d’importer des produits alimentaires. Prenez un pays comme le Burundi qui a sa propre monnaie, on n’importe pas les produits alimentaires (…) Importer du poulet ou de la viande ne peut pas se justifier parce que ce sont des devises qu’on évapore pour rien, alors qu’on peut produire le poulet et la viande sur place. Donc développer une agriculture, l’élevage ou la pêche qui permet d’arrêter l’hémorragie en termes d’importation et l’évasion des devises étrangères. C’est donc ce double objectif qu’il faudrait avoir pour atteindre une stabilité au niveau de la zone CEMAC » explicite-t-il.

Abordant la question de la restauration, l’ancien membre du gouvernement a été tout aussi incisif : « (…) derrière la restauration des institutions, il y a la restauration économique, la réappropriation que ce soit dans le secteur pétrolier, on l’a vu avec le rachat d’ASSALA, par le chef de l’Etat qui en a fait une priorité. On a vu dernièrement avec le rachat d’un certain nombre d’actifs, avec CECA GADIS, AFRIJET, et il n’y a pas très longtemps avec la SNBG. C’est plutôt une bonne chose parce qu’on se réapproprie des activités ou des actifs qui avaient été cédés parfois dans la précipitation l’ancienne équipe, sinon par des moyens qui n’étaient pas tout à fait orthodoxes ». Pour Noel Mboumba, la réappropriation de ces actifs permet d’asseoir la souveraineté du Gabon.

Sur la situation de Port-Gentil, Noël Mboumba estime que la ville souffre d’un déclin économique lié à la réduction des embauches dans le secteur pétrolier. Il prône notamment une diversification des activités économiques, par la pêche, le développement portuaire, et la valorisation des permis pétroliers.

Evoquant le projet de la mise en place du port d’exploitation pour le manganèse qui partirait de Ndjolé pour Port-Gentil, l’ancien membre du gouvernement a dit qu’il s’agirait d’une opportunité. Il a aussi évoqué la construction du siège de Gabon Oil Company, qui devrait apporter une certaine vitalité à la ville. « Port-Gentil souffre du chômage parce que les entreprises pétrolières, les anciens majors pétroliers comme Total, Perenco etc, n’auront plus une cadence d’embauche assez importante »

Dans ce contexte, il a recommandé d’encourager dans le cadre du « local content », l’appropriation par les gabonais des permis mâture et majeurs pour « relancer l’activité économique et éviter le déclin au niveau de la production pétrolière ».

Enfin, Noël Mboumba met en avant les grands chantiers prévus pour 2025, notamment la construction du port en eaux profondes de Mayumba et du chemin de fer Bélinga-Boué-Mayumba. Ces projets, qu’il qualifie de « grands chantiers », devraient générer des milliers d’emplois et offrir de nouvelles perspectives aux Gabonais.

« Ce seront de grands chantiers », « qui vont générer 163000 emplois ». « Souvenez-vous qu’à la construction d’Eurotrag, ça a été le chantier le plus important de l’hémisphère sud à cette époque », a-t-il fait observer.

Pour Noël Mboumba, ces initiatives symbolisent une véritable dynamique de renaissance pour le Gabon, où souveraineté et inclusion se conjuguent pour bâtir un avenir prospère.

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